"La constellation
Un des troubles profonds que cause la psychose est la «distorsion» des relations du sujet avec les autres, quoique des investissements, aussi minimes soient-ils, existent toujours. Cette constatation, mise en valeur par Tosquelles, est à la base d'une notion essentielle : la constellation, c'est-à-dire le fait que chaque sujet vit en investissant, même de façon minime, un certain nombre de personnes, de lieux, de choses ou d'animaux. [...] La constellation se compose donc d'un certain nombre de personnes qui «comptent» pour le malade, mais il ne s'agit pas de les enfermer dans un «groupe», car substituer un groupe à une constellation crée une sorte de situation artificielle dans laquelle le malade est mis en situation d'extrême dépendance. Or la souffrance fondamentale du schizophrène est d'être fermé au monde, et la constellation n'a d'autre but, au contraire, que de «greffer de l'ouvert» (J. Oury).

L'identification et la responsabilisation
[...] Mais il ne peut être question de rester dans une position passive et d'attendre que cela se fasse, pas plus que d'orienter les choix des investissements. La seule chose à faire consiste à veiller à l'hétérogénéité de l'équipe et du milieu social. «Chaque personne responsable doit maintenir la distance entre «statut», «rôle», et «fonction», or, que l'infirmier se prenne pour «l'infirmier», le cuisinier pour «le cuisinier», et le médecin pour «le médecin», c'est malheureusement une maladie mondiale. Chacun a tendance à s'identifier à son «statut». Comble de la folie, problème qui doit être travaillé collectivement, à tous les niveaux.» (J. Oury)

Il est donc nécessaire de mettre en place une structure adéquate qui favorise un processus d'institutionnalisation: «filets institutionnels» selon Tosquelles, «transversalité» selon F. Guattari, inséparables de toute responsabilisation.

Soigner l'hôpital
[...] Soigner l'hôpital, responsabiliser tout le monde, malade et personnel de tous statuts, développer les thérapeutiques d'activation, etc.; on doit pouvoir envisager une notion de responsabilité collective .»

En ce qui concerne mon approche de l'instrument, la plupart du temps je le met sur mes genoux, mais des fois je le pose sur un petit tabouret (avec un napperon de dentelles : à la fois pour l'esthétique et la stabilité, si ce n'est l'isolation phonique). En automne il est conseillé de le rouler sous les aisselles, mais souvent j'oublie. J'attend la version Hi Tech (que l'on peut accrocher au mur -avec la manivelle au bout d'un détendeur, à 1 ou 2 m). Pour l'assiduité, depuis que mes bottes se sont faites à mes pieds, et donc que je dors mieux (plus facilement) je joue moins la nuit (je ne me relève presque plus exprès). Des fois je m'entraîne, en perçant les trous dans les cartons un peu au hasard. Je compte mettre un petit singe dessus qd je vais dans la rue (ça compte, les détails !) mais je ne sais pas comment ça se nourrit.

La victoire du Jazz, comme sa perte aussi peut être, c'est qu'on l'enseigne dans des sortes de" conservatoires" (vilain mot). Respectabilité va mal avec créativité. Dans la musique "classique" (ou "baroque", "contemporaine" etc) on peut devenir salarié au mois (fonctionnarisé quoi ...) Il n'y a pas encore d'académie du rock, et les jazzeux font qd même gaffe à la sclérose. Et puis si sa mission c'est de donner de la joie, ça baigne. Le rock, comme le ska, c'est fait pour réveiller. Et le reggae, le tango et le calypso, véhiculent des grooves moins axés sur le mental, plus sur les rotules (si l'on peut dire).

Bon bref, de toute façon vous en avez conclu que le mieux c'est le boeuf! mouarf!!! moi ce qui m'intéresse, plutôt c'est le rapport entretenu aévec la pratique de votre art respectif et de votre instrument. Souvent, je remarque que lorsque un musicien est cité (connu de préférence!) la dérive de savoir ce qu'il fait dans sa vie "à côté" ( il boit? il boit pas? il se drogue? il se drogue pas? marié ou pas? des gosses? poly"gammes" -surement lol- l habite ou? etc etc...et j'en passe) peut-être la marque de la reconnaissance de la réussite et donc par la même de la fascination. Nous avons besoin de sacré...mais ce qui m'intéresse moi c'est plutôt ce rapport donc a l'instru à la pratique de l'art (l'aspect éducatif en qque sorte, cadrant...)? Quels genres de bosseurs êtes vous? Quel cadre la pratique de l'art vous a-t-il imposé? (Chose que l'on oublie souvent derrière les paillettes la musique est qquechose de contraignant aussi.) Quelle rigueur vous etes vous imposé? etcetc. (je me rappelle d'un batteur croisé dans un studio où je venais enregistrer avé les potes des effaré-es et lui pendant ce temps la dans une salle en bas se tapait des triolets toute la matinée avec son charley et sa main droite!!! lol l'apres midi c'était "détente" avec sampler et clavier pour chercher qques harmonies)

Voilou...super le boeuf sur le bleu en tout cas! "ça le fait grave" ( beurk haha j'aime po cette expression je préfère un bon "YES!" )

(Mais je dois avouer que les jams de Lionel et Sean m'ont vraiment decidés a en jouer, j'ai un bel exemple et je me suis gravé le disque avec les boeufs (Moanin', Route 66 etc))

Voir Louis participer au débat en se lâchant sur un long solo est un vrai plaisir. Evidemment, que le coeur de son message soit une remise à sa place nette et carrée du Gourley (qui peut en effet flirter avec ce qui paraît de la prétention voire de la condescendance) et plus généralement d'un discours musical élitiste, lestée de toute l'autorité que Louis détient légitimement, n'a pas manqué de me chagriner 3 secondes, moi qui ai autant d'amitié et d'estime pour l'un que pour l'autre (genre, ce sont 2 de mes 3-4 meilleurs copains d'une vie, soyons clairs et un peu impudiques) ; et moi qui m'excite à essayer de faire jouer ensemble des pointures pareilles plutôt que de les voir rejouer la bataille d'Hernani ! Bon, so be it, mais reconnaissons aussi à Sean l'élégance, après coup, d'avoir sincèrement apprécié la "gnac" et les balls de Louis, le souffle du solo, même s'il en a été la cible !

Cela dit, et pour aller un peu à l'encontre ce qu'écrivait Nyto, je ne pense pas qu'il y ait de claire délimitation entre un camp qui serait élitiste et prétentieux et "pas sain du tout" (la musique du diable ? ) et un autre où tout ne serait que "franche éclate" et franche camaraderie, sans une ombre au tableau. Là où il y a réaction à la prétention, il y a probablement un peu de "contre-prétention". C'est la guéguerre rock-jazz que nous connaissons bien, qui ne date pas d'hier et qui connaît maintes escarmouches. Louis, de son côté, n'est pas dépourvu de préventions vis-à-vis de "l'autre" camp, qu'il regarde de haut pour une part significative, d'habitude dans son for intérieur et ici clairement à haute voix. Bon, peut-être que le "premier agresseur", dans cette guéguerre, c'était les jazzeux, mais à tout moment, tout musicien peut choisir de ne pas l'alimenter et de contribuer plutôt à une vision "oecuménique" de la musique.

C'est plutôt ma posture à moi, celle plaidée éloquemment par jc, décidément de plus en plus étonnant de maturité : faire le pont, le traducteur, le médiateur, montrer là où il y a des liens, des passerelles, des parentés entre musiques. Apprendre à capter la vraie vibration, quand elle est là, des musiques les plus diverses. J'aime du jazz, j'aime du rock, j'aime du classique, j'aime de la chanson. Dans toutes ces musiques, je retrouve tout ou partie du message qui m'importe, chanter la vie et les hommes et leurs passions et les déceptions qu'ils surmontent. La couleur, la nuance de ce message qui est résolument la plus proche de moi, c'est le Rythm'n'Blues, ancré dans le Gospel, ce qu'on appelle aujourd'hui plus largement "churchy". C'est cette ferveur, cette communion, non pas dans un sacré trop sévère, mais dans une joie partagée pour ce bonheur qu'est, "malgré tout", la vie, qu'est la camaraderie, qu'est le jouer-ensemble.

(Et je note qu'à la base du message aussi bien de Louis que de Sean que de moi que sans doute de bien d'autres, il y a l'invitation "On peut jouer ensemble, si tu veux !")

Alors pour moi, c'est plutôt un continuum, le classique européen et l'africain engendrent le blues qui engendre le jazz, tous deux engendrent le rock (aidés du country-folk, perhaps), etc. et c'est bien de se balader un peu, en auditeur ou en pratiquant. BB King fait souvent les mêmes 3 notes, mais il est le seul à les faire comme il les fait et chaque nouvelle écoute est une écoute fraîche, joyeuse, débordante de vitalité. J'ai même encore plus "3 notes" que BB en magasin, largement même, c'est Johnny "Guitar" Watson, je ne sais pas si vous connaissez, blues-funky qui dégouline sous les aisselles, et lui, c'est carrément pratiquement le même solo dans tous ses grands tubes, les 3 notes, et ça le fait grave à chaque fois ! A coté de ça, le blues churchy d'Oscar Peterson que je vous ai proposé l'autre jour est aussi un monument qui transporte, avec beaucoup plus de notes et pourtant ça n'est pas trop.

Jazzeux, rockeux, juif, arabe, de gauche, de droite, etc., comme souvent, l'impérieuse nécessité du positionnement identitaire brouille un peu les notions abordées. Ne nous trompons pas de débat et sur le sens des phrases des uns et des autres. Dans les propositions sonnant prétentieux de Sean, comme peut-être dans les sarcasmes et les silences de Matt, comme peut-être dans les accès de joviale désespérance "fin de civilisation" de Wolfie, c'est un peu de désenchantement, d'amertume, de désarroi, d'attente qu'on croît déçue, c'est peut-être bien tout ça qui sourd (qui a dit "...qui rend sourd" ??!! ).

Matt, ton dernier gentil sarcasme ("si [...] tu ne sais toujours pas parler à 40 ou 50 ans, ça devient un peu embêtant, non ?") est-ce une généralité plutôt destinée à moi ou à toi ? De mon côté, après avoir cru à 42 ans que j'avais définitivement foiré la trajectoire, la mission, qui me tenait tellement à coeur, je ne suis pas, je ne suis plus "embêté" par ce genre de considération, d'autant que la question ne se pose pas en termes binaires (savoir/pas savoir). On me fait ici la gentillesse de me reconnaître une bonne maîtrise du discours en français (thank you, buddies!). Je suis très féru de toute la technique de la langue, de tous les aspects de cet instrument. Dans le langage musical, je ne suis simplement pas encore arrivé à une maîtrise comparable (mais, là, c'est en train de s'accélérer nettement, hé hé). Dans les deux cas, mon exigence de maîtrise de ces langages est élevée, dans le but de servir un message, un récit sous-jacent fort ambitieux ; ce qui ne veut pas dire "supérieur" à quoi que ce soit. Que chacun fasse ce qu'il est fait pour faire, avec autant de détermination qu'il peut, en s'efforçant de ne pas trop flipper sur le tempo de la maturité, de la "réussite", de l'accomplissement. C'est le chemin qui est passionnant, belles paroles sur le sujet, jc ! (Et t'inquiètes pas pour moi, je sais assez précisément quoi faire pour que la voix sonne comme nulle autre quand il sera temps de la faire donner ! )