J'ai tout de même commencé 2 ou 3 fois une contrib pour le Bleu, mais j'ai dû à chaque fois arrêter au bout de 15 minutes en voyant qu'il me faudrait, comme d'hab, au minimum dans les 1h15-1h30 pour exprimer ma pensée aussi finement que possible, et ce temps, j'en ai beaucoup moins ou je ne veux plus en prendre autant qu'avant pour l'instant.

Malgré sa première phrase d'estimable souci de modestie, j'ai, comme Louis, trouvé que JC avait haussé son niveau d'analyse dans sa dernière contrib, bravo. Je n'ai lu que le début du texte de ce Mehdi Kacem, qui m'a semblé rapidement trop exalté, mais j'apprécie le résumé que tu en as fait, JC.

Je partage aussi largement ton diagnostic sur les quelques points que tu mets en exergue pour ton propre compte -- contre-productivité des vues gauchistes voire altermondialistes et de celles des suivistes de la gauche du PS, perte du sens du bien collectif --, mais mes réflexions et lectures de ces dernières années commencent à me donner, en plus, une vue globale et historique sur les raisons, les logiques qui ont amené notre société où elle en est.

C'est le premier point sur lequel je voudrais insister encore et toujours : l'état du monde actuel, l'état de la société française ont du sens, beaucoup de sens ; il n'y a rien d'absurde. Ce faux sentiment d'absurdité face à un monde beaucoup plus complexe qu'il y a seulement 50 ans nourrit une spirale de la déprime, une spirale panurgique contre laquelle chacun doit combattre dans le cours de son débat intérieur permanent.

La démocratie n'est pas essouflée ou moisie, au contraire pourrait-on dire, nous la poussons à l'extrême de sa logique, nous la testons à ses limites et cela nous donne, souvent confusément, à la fois de l'excitation et des sueurs froides. Le terme même de démocratie a étendu son sens ; il ne signifie plus seulement "gouvernement par le peuple", ce qui implique obligatoirement une représentation claire du bien commun, mais aussi "prééminence du droit" (on parle depuis 15 ans des démocraties comme des "états de droit") et surtout, "développement des droits de l'individu dans ce qu'il a de spécifique". Et là, entre le "bien commun" et "l'individu spécifique", on est en plein écartèlement des aspirations.

Un exemple typique, que j'ai déjà cité, c'est celui de la contradiction entre la prééminence du droit comme garant à la fois de la démocratie et de la liberté de l'individu (un progrès en effet moderne) et les appels/aspirations à la "désobéissance civile", qui impliquent que la morale de chaque individu ou groupe d'individus est supérieure au droit (une régression vers une attitude adaptée à des scénarios politiques anciens). C'est une des très nombreuses contradictions irrésolvables dont sont victimes les contestataires.

Le tournant des années 60 est celui de la phase d'aboutissement de l'individualisation, de la constitution de chaque individu en sujet spécifique, avec des aspirations spécifiques. Jean-Claude Kaufmann, dans son dernier bouquin ("L'INVENTION DE SOI - Une théorie de l'identité") précise que c'est à ce moment-là que s'opère un retournement décisif : jusque là, l'individu était largement défini par la société, par les institutions, les rôles, les "schèmes" (les grands "habitus" de Bourdieu) ; dans ce dispositif classique, société et individus étaient marqués par la permanence, la résilience de ces modèles et institutions.

A partir des années 60, et étonnamment rapidement à l'échelle historique, le retournement s'opère : c'est de plus en plus, chaque individu qui va définir la société, et dans ce cas de figure, comment s'étonner que ce soit l'immence bordel ?! Les institutions ont été contestées, critiquées et n'ont plus du tout le prestige et surtout l'aspect structurant qui va avec qu'elles avaient ; les rôles sont eux aussi critiqués, bref, il n'y a plus grand chose de ce côté-là qui serve de point de repère structurel et culturel. En réaction à des siècles d'effacement de l'individu devant les institutions, le regard subjectif de chaque individu a été promu ces dernières décennies. Et c'est comme un passage de témoin : il revient désormais à l'individu de dire le social (ce forum même participe de cette tendance) et c'est dur de chez dur, bien sûr !

D'où par exemple le large essor de la quête identitaire ("Si je dois dire la société, qui suis-je, d'où viens-je ? qu'ai-je à dire sur l'état du monde ? A quel groupe de pensée appartiens-je ?"). D'où aussi, l'impermanence de cette définition du social, puisque le propre d'un individu moderne, c'est de s'interroger, de changer d'avis ; alors quand on multiplie cette impermanence de la vision individuelle par des millions d'individus, je te dis pas l'impression de bordel !!

Bref, il n'y a vraiment pas lieu de désespérer du sens de notre période, elle en est bourrée, du sens intelligible pour qui fait son boulot de recherche, d'analyse, de remise en question et de méfiance vis-à-vis des idées simplistes. Mais on peut évidemment s'inquiéter, parce que les tensions sont nombreuses, la volatilité des esprits et des événements manifeste, la puissance objective des individus toujours plus grande.

Je vous laisse sur une dernière illustration : l'ami Fox, avec qui je partage bien des vues, notamment sur les plans culturels et spirituels, nous donne toutefois régulièrement des exemples de l'aveuglement dogmatique auquel peut mener la pensée contestatrice primaire (je précise que je ne nie jamais l'intention généreuse qui anime ceux qui expriment des positions "de gauche" bien bêbêtes et entétées). Ainsi, selon lui, la popularité actuelle de Nicolas Sarkozy s'explique par des manipulations médiatiques, elle est artificielle et dégonflera immédiatement dès que le peuple aura la parole. Pour moi, c'est un contre-sens évident ; c'est au contraire parce qu'il a attiré l'attention et l'intérêt du peuple par son comportement depuis 2 ans qu'il jouit de cette popularité.

C'est incontestablement celui qui fait le mieux de la (vraie) politique aujourd'hui ; à un moment où on se demande vraiment ce que font tous les autres et s'il y en a un qui aura le charisme nécessaire pour proposer un vrai projet au peuple, les Français sont sensibles aux progrès du petit Nicolas et nombreux à vouloir lui donner sa chance (y compris assez largement "à gauche", et c'est également mon cas pour l'instant). Le point de vue de la "gauche de la gauche", depuis toujours, face à ce genre de phénomène (ici, la popularité d'un politique), c'est de dire (en gros) que le peuple est abusé, qu'il se fait bourrer le mou parce que, les malheureux, ils n'ont pas l'éducation nécessaire pour distinguer qu'il se fait enculer, en fait. C'est une vision depuis toujours très largement élitiste ("nous sommes l'avant-garde révolutionnaire, nous voyons clair dans le complot des puissants, alors que les masses sont aveuglées") et très largement disqualifiée, dans mon esprit, par son mépris apparemment inconscient.

Bref, JC, nous sommes bien d'accord, par les temps qui courent l'idéologie gauchiste simpliste ne fait que brouiller un peu plus les esprits et il importe d'argumenter a contrario avec des arguments sérieux et affutés.

Que dire d'un texte pareil, surtout moi qui n'y connait encore pas grand chose? J'essaye d'y reagir, juste pour cela, mais vraiment sans pretention, gardez bien cela en tete et pardonnez mon inconsequence...

Il est deja evident qu'il a été ecrit a une heure grave pour nous tous, pendant les presidentielles 2002... l'auteur se conidere lui meme comme la "verité". Et quelle verité? Celle de la realité objective d'une democratie mediatico/parlementaire averée, saignée, trompée par elle meme, deja dans le gouffre... Les mots du texte sont parlants ...

Sujets principaux : les caracteristiques de cette pseudo democratie, les medias et bien sur Le Pen, le joujou des politiques, qui s'amusent entre elles a jouer a la baballe, un jeu plein de vacheries nefastes et, puisque qu'on semble imbibés, admises, qu'on le veuille ou non... pour ça je suis d'accord, pour ce joujou... Mais d'un autre coté, la verité c'est bien celle de la societé du spectacle : comme il est dit dans le texte, sous le nom de Le Pen : "Une minute sur TF1 vaut mieux que 100 meetings"... Il a raison, les gens ne cherchent plus vraiment a ecouter, ou a vouloir savoir, ou comprendre le "pourquoi" et le "comment". Par peur diront certains, par insecurité diront d'autres, pour l'avenir... Bref, toujours les meme themes, mal abordés et mal ciblés... Jettons un oeil sur les presidentielles des USA : le jeu des sondages et des medias s'opere en etroite "collaboration"... Bush fait des pubs a la télé, les sondages suivent, et Kerry court deriere, et le peuple suit le plus viril des 2, celui qui pete le plus fort... Alors oui les sondages sont tout sauf saints, alors oui les spndages ne sont utiles qu'aux gens n'ayant pas d'idée sur rien, les voyeuristes egoisites... abject...
Je travaille en ce moment sur l'extreme gauche. Programme : quasi inexistant hormi le fait de lancer des boulets rouges aux autres. Les meetings ne sont que simple propagandes, des affiches qui prennent vie et s'animent tout d'un coup. Le plus spectaculaire, le plus bruyant sait le mieux se faire entendre : Le Pen fait des one man show, on se marre et on rigole bien, la route se poursuit vers la "desintegration de la democratie mediatico-parlementaire", mais en silence s'il vous plait!

"La France est un pays revolutionnaire" ... J'ajouterais quand meme que la France est un pays d'eternels mecontents, desolé si ça choque un peu les opinions franchouillardes de certains ... Dans ce pays, la theorie du "je suis pour le changement a condition que ça me concerne pas" marche parfaitement... Mais ce n'est pas la democratie, la republique! Il faut avoir l'esprit un minimum altruiste dans une societé pareille, on s'est deja beeaucoup battu pour ça, mais je trouve que la responsabilité est une question cruciale et ... desolante! Avec autant de % d'abstention, c'est a se demander si on y tient vraiment à ce patrimoine revolutionnaire, à cette republique, a cette democratie... Un tel systeme peut-il fonctionner a long terme? On saura dans quelques temps... Mais l'auteur prophetise la future revolution du systeme politique, et donc, des consciences

Guerre civile si Le Pen serait passé? Je si persuadé que oui, comme d'autres je crois. Et si, dans l'autre cas, c'etait Chirac (ce qui fut le cas)? Alors quoi? Et bien la perduration (ça se dit? ) de cette democratie un peu moisie selon le texte... en tout cas tres essouflée... "ingouvernable" dit le texte : c'est le cas! La seule maniere de gouverner est d'entretenir le climat de peur (on se rappelle du pere Nebo, qui manque un peu : "masochisme consensuel"), que l'ecrit decrit... Sarko jouit! Je ne comprends pas : il n'est plus a l'interieur, il est au budget... mais pourquoi a-t-il toujours autant d'influence mediatique et, donc , politique? Pourquoi on le voit diner avec des chefs d'Etat etrangers alors qu'il ne devrait pas vraiment avoir quelque chose a voir avec les relations diplmoatiques etrangeres? Comprends pas

par Mehdi Belhaj Kacem*

Avertissement : ce texte a été envoyé à l'attention de Cancer! entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2002. Il a été depuis publié aux éditions Sens&Tonka.

*Mehdi Belhaj Kacem est philosophe et écrivain. La plupart de ses ouvrages ont été publiés chez Tristram et chez Sens&Tonka