 |
Le 25/09/2003 à 19h21 (213.46.***.***) |
Lionel - PS @ Fox -
|
|
Merci de ton éclairage sur la promotion de textes comme ceux de Saint-Ex par Nebo qui m'a paru clair et pertinent. Merci également pour la référence à Guillaume Depardieu dont j'essayerai d'aller consulter les textes et compilations.
|
 |
 |
Le 25/09/2003 à 18h52 (213.46.***.***) |
Lionel @ Philoctète -
|
|
Je te donne bien volontiers acte de ma méprise sur ton propos qui semblait rebondir sur le mien mais qui, c'est maintenant plus clair, signifiait autre chose. Il est vrai que si nous dialoguons ici de façon généralement fort stimulante à mon goût, nous poursuivons aussi chacun notre propre récit et c'est bien normal.
Concernant ton autre propos, je n'y avais pas répondu parce que je n'étais pas sûr d'avoir compris (je ne regarde plus les Guignols depuis pas mal de temps) et aussi parce qu'il me semblait déplacé pour ne pas dire plus. Tu sembles dire que lorsqu'on est un personnage public, c'est être bien mauvais coucheur que de ne pas apprécier avec l'humour qui sied d'être accusé (très sérieusement) de viols et d'actes de barbarie, ou à tout le moins qu'il faudrait rire lorsqu'une telle affaire est reprise par des humoristes. Je ne suis vraiment pas de cet avis, et en resterai là pour l'instant.
Je suis plus sensible à ton évocation de "Djamel" et j'ai été troublé à la fois par sa mort et par le fait que lorsqu'il était vivant, le système fait qu'il n'avait qu'une identité floue, alors que c'est au moment où il meurt que nous sont dévoilés son nom (Pierre-Olivier) et son visage qui dégage surtout un appétit de vivre.
Là où je ne partage pas tes vues, bien entendu, c'est cette manière de trier entre égarés fondamentalement bons et personnages publics qu'il faut nécessairement soupçonner de turpitudes et de basses intentions, et cette manière de cultiver le pathos. Tu auras sans doute compris que je pense que c'est exactement le contraire de ce qu'il faut faire pour améliorer les choses. Je ne pense pas non plus que les difficultés excusent vraiment les accrocs sérieux à l'éthique et à la dignité (en l'occurence, comme tu l'as dit, accuser quelqu'un des pires forfaits dans une optique lucrative). Enfin j'apprécie la référence à Edith Piaf, et ton expression "abimes d'humanité" est curieuse, à la limite de l'oxymore, la contradiction dans les termes, mais intéressante. Oui, la souffrance est sans doute une condition de l'humanité, mais c'est aussi la façon dont on la surmonte, la façon qu'on la retourne pour en faire une force de bien (et non sa magnification victimiste) qui complète cette condition humaine assumée. Et ("déjà dit" comme dit souvent Outcome) :
Tout être humain est fondé
Tout être humain est fondé dans sa souffrance
Tout être humain est fondé dans la souffrance de tous les autres
qu'ils s'agisse de ceux qui bénéficient de ta sympathie ou de ton antipathie.
Signaletic, je te rejoins pour déplorer qu'aucun nouvel "artiste" de poids n'ait émergé ces 20 dernières années parmi le personnel politique. J'attribue ce phénomène au fait que redécrire le monde et la société aujourd'hui de façon cohérente et proposer de nouvelles voies me semble extrêmement difficile tellement le monde est devenu complexe. Cela réclame également, à mon sens, de penser autrement que pendant tout le siècle dernier, ce à quoi bien des gens ne sont peut-être pas prêts.
|
 |
 |
Le 25/09/2003 à 18h20 (82.67.***.**) |
Philoctète @ signaletic -
|
|
C'est vrai qu'il y a quelque chose de troublant dans l'utilisation du Zenith par Sarkosy, une autre chose m'a interloqué: ses gestes. Il n'est clairement plus lui-même, mais l'image qu'il se donne de lui-même. Son masque est descendu jusqu'au bout de ses doigts. Je doit avouer que je n'ai jamais beaucoup aimé Sarkosy, mais à présent il m'inquiète. Son désir d'être aimé s'est reporté sur ses troupes policières, mais quand on rassemble ainsi ses agents, c'est que l'on a un objectif commun, or quel est cet objectif? Garantir le droit républicain? Devenir un modèle de citoyenneté? ou de rigueur? Etablir une justice souveraine? Nettoyer la nation? Pourquoi les a t'il rassemblé et que nous prépare t'il? Je reste persuadé que son objectif reste de criminaliser la société civile francaise, en la rendant coupable de ses simples gestes ou de ses intentions. Criminaliser le petit délinquant, la prostituée, le fraudeur, le drogué, le sans papier, puis tous ceux qui les hebergent, les soignent, les acceuillent. Puis criminaliser le mauvais conducteur, le mauvais internaute, le mauvais journaliste, le mauvais témoin,le mauvais passant. C'est à dire que chaque action, chaque geste coupable, devienne un crime, laissant par là une entière liberté d'action à la police pour ficher, garder à vu, etc... La France à un lourd passé pour ces pratiques, elle peut même être considéré souvent comme l'inventeur de ces pratiques, autant qu'elle peut l'être du droit et de la liberté. Tout cela ce sont ses gestes qui me l'ont dit, ses gestes pincés et faux et son masque stupide.
|
 |
 |
Le 25/09/2003 à 17h51 (82.67.***.**) |
|
|
Un clown n'est jamais ironique, il est sincère, car seule la sincérité désarme et puis bouscule.
|
 |
 |
Le 25/09/2003 à 17h40 (82.67.***.**) |
Philoctète @ Lionel -
|
|
Le roi seul sait entendre ses bouffons... Je n'avais pas relié mon message à la question du nom et du statut, je m'étais juste amusé qu'Il s'appelle Louis, rendant l'usage du prénom encore encore plus flatteuse que le nom pourtant discrètement ommit. Mais Lui, Il m'a compris, et je l'en remercie chaleureusement car l'humour est risqué de nos jours. A ce propos personne n'a rebondit sur mes lourdes remarques sur les clows... Alors que celui dont je parlais est curieusement mort le même jour, étouffé... J'aimerais rendre un petit hommage postume à celui qui se disait fils de Michael Jacson, autant dire fils de Dieu, et qui racontait connaitre très intimement Blair et Baudis. Ici, je ne fais pas de l'humour, mais je m'attendris. Il est mort etouffé et hais par la France entière pour quelle raison, pour avoir voulu défendre les paroles d'une prostitué. OK, il y avait de l'argent dans l'air, OK, ils ont pu être manipulé, mais aviez vous lu l'article dans libé sur cette Patricia? Il y a des vies moches, il y a des vies pauvres et sales, sans dignité ni richesse. Y a t'il quelqu'un pour rappeller l'écart qu'il y a entre les vies, les mondes des Baudis et des Blair et celles de ceux qui les ont blasphémés? C'est l'histoire du bouffon qu'on renvoie un jour dans sa misère, une fois qu'il ne plait plus, c'est l'histoire de quelques instants ou fortune et pauvreté se sont regardés. Après sa confrontation avec Patricia, Baudis livide a dit: "elle a détournée son regard". Plus jamais ils ne se rencontrerons, chacun renvoyé dans son monde où l'autre n'existe pas.
Ce matin j'ai regardé un reportage sur Edith Piaf, et quoi qu'on dise, elle avait du coeur, elle avait ce quelque chose qui rejoignait ces deux mondes, son mari expulsait les SDF qu'elle recevait, elle voyait l'humanité au fond des yeux des autres. Mais je ne veux pas faire de nostalgie, je veux parler de ces abimes d'humanité que l'on cotoit tous les jours sans jamais les remarquer.
|
 |
 |
Le 25/09/2003 à 16h29 (212.83.***.**) |
signaletic -
|
|
Voici peut être comment recycler les techniciens des Décodages TV passés à la trappe : le super-show de politicien !
Les faits : ce fut une première : Sarko s'est fait son zénith, à lui tout seul, et sans musiciens, comme un Steve Jobs, ou un Guy Bedos... Pourquoi pas, du moment qu'il soit bon orateur (il semblerait que ce fut le cas...), et que le fichier Power Point soit à la hauteur... (Je n'ai rien contre l'innovation, au 21e siècle il serait temps d'utiliser ce programme du Pack Office (r) Microsoft, toujours remisé par la plupart de ses (très nombreux) acquéreurs qui se contentent de Excel et Word à 99%. Même si d'autres programes sont arrivés depuis, bcp plus performants... toutes plate-formes confondues).
Mais là où ça me gêne, c'est que l'audience a répondu non pas à des invitations, mais à des convocations (Louis prépares-tu le listing pour ton Olympia ? qd tu vas nous convoquer, les frais de déplacement seront-ils pris en charge ? ) puisqu'il s'agissait du personnel de la police. (Ce fut le service d'ordre le plus performant de l'histoire du show-biz !)
Et ce qui est un peu contrariant aussi, c'est de constater qu'aucune "nouvelle scène" (artistique, si ça existe) n'est apparu depuis une ou deux décennies, parallèlement à ce déploiement avéré de Force de l'Ordre (à part un léger regain de la comédie musicale, limite entertainment)... C'est tout. Je constate.
|
 |
 |
Le 25/09/2003 à 15h44 (81.49.***.***) |
-
|
|
|
 |
 |
Le 25/09/2003 à 15h15 (212.83.***.**) |
signaletic -
|
|
Dans le registre de l'insignifiant (ma spécialité, mon dada... pardon, mon cheval de bataille !), j'ai oublié de préciser que tous ces DVD envahissants sont des "films d'action" (en attendant "les films d'inaction", minéraux, ou staring végétaux sans doute ?), qu'ils sont tous made in USA, et que sur les 50 proposés, il n'y en a peut être qu'1 qui ne foutrait pas la honte sur l'étagère dans mon salon... pourtant assez vide, vu les tarifs pratiqués en général en France)
SCOOP : Encore une décision politique subrepticement engagée dans le silence de l'été : considérant que soit les français sont trop précarisés pour justifier un statut de consommateurs, ou alors qu'un grand sens éthique s'est abattu sur l'ensemble des acteurs du commerce et des prestataires de service (logement, santé, etc.), devenus tous brusquement honnêtes, l'État et France 3 ont décidé de ne plus diffuser l'émission Décodages (le "télex consommateur" régional, hebdomadaire).
La gauche avait commencé une chirurgie au laser, et la droite fait table rase ! (Quand je pense qu'on en a encore pour presque 4 ans a subir ce néolibéralisme dévastateur... on aura fini de manger notre chapeau bien avant... d'avoir été 80% à pratiquer le "vote panique"...) Donc plus d'information libre à se mettre sous les mirettes, et le tissus associatif "de terrain" déstabilisé, bailloné quasiment. Sans parler des nouveaux techniciens/créatifs sur le carreau ... recyclés ? (et même pas intermittents puisque salariés pour la plupart). Les "coupes sombres" les plus discrètes ne sont pas forcément les plus anodines !
Heureusement les camescopes sont partout : les voyageurs de la SNCF ont fait parti d'un reality-show exceptionnel cette semaine ! (passé en boucle sur toutes les chaînes) C'est pas la 1ère fois qu'un vidéaste fait du bon boulot, ni la dernière heureusement ...
Sinon, why not, pour les photos des intervenant(e)s du forum bleu... mais alors exclusivement les orateurs en contre-plongée, et avec des rayons convergents rouges et blancs, en arrière plan (comme un soleil pop)... (c'est la moindre des choses, non ? Profiter donc d'être bien bronzé(e)s alors...)
|
 |
 |
Le 25/09/2003 à 14h44 (212.83.***.**) |
Fox @ Lionel -
|
|
Je crois que l'utilité de la promotion de ces textes, dans le sociopolitique d'aujourd'hui, c'est de montrer 1/que la plupart de ces problèmes ne datent pas d'hier (et qu'un regard vers le passé peut éviter de réinventer la roue, d'autant que certains se sont arc-bouté dans leur effort, pour tenter que leur message arrive jusqu'à nous...) et 2/ que chacun, victime d'une lueur de lucidité se rende compte qu'il n'est pas tout seul dans son coin (que ce n'est pas une maladie honteuse... ) C'est comme ça que je suis bien content de savoir comment Léo Ferrer en est venu à chanter l'Affiche Rouge (qui mérite plus de commentaire, à l'évidence, que le dernier tube de Jenifer) Etc... L'archéologie et le futurisme élargissent mon quotidien, pas toi ?
Pour mettre en vis à vis du citoyen de Bricqueville-la-Blouette (Manche) voir les témoignages regroupés par Guillaume Depardieu (Net) sur "l'acharnement thérapeutique"... La mort est une conclusion, un "point barre", qui ne devrait pas empêcher les digressions sympathiques, l'aide à domicile, les soins et les égards, quelques années en amont ... Le problème hospitalo-hospitalier, en plus d'avoir été un vrai signal d'alarme, est qd même l'arbre qui cache la forêt : la rentabilité strictement culturelle des vieux est occultée, seule la charge sur la productivité est ressentie ... A+
|
 |
 |
Le 25/09/2003 à 13h38 (213.46.***.***) |
Lionel -
|
|
Sur l'autre fil de ces derniers jours, j'ai été bien content de revoir la signature de Nebo, mais le très long texte de Saint-Exupéry m'a été trop indigeste, même avec les notes de lecture de Fox. Le poème d'Aragon est beau et prenant, nettement plus accessible, mais dans un cas comme dans l'autre, que peut accomplir la promotion de ces textes dans le champ politico-social d'aujourd'hui ?
Nous savons déjà que c'est là où nous avons une petite divergence, cher Nebo, mais la référence à un tel texte de Saint-Ex et à d'autres du même type me semble porteuse surtout de nostalgie, semble dire, "Ah, si tout le monde pouvait avoir des valeurs de ce calibre et une élévation de conscience comme celle-là !". Je crois qu'il y a d'autres discours à tenir aujourd'hui pour faire avancer les choses, tout en respectant ton envie de partager ici avec le reste d'entre nous des textes de tous types qui te touchent.
Pas de réserve, en revanche, sur le texte de Gainsbourg cité par jc, merci jc ! Quel talent, quelle verve. Il faudrait que je m'achète ses oeuvres complètes avant de me remettre à écrire des chansons, c'est trop instructif et inspirateur !
Tout autre chose, une lettre de lecteur dans Le Monde daté de mercredi 24, qui exprime un point de vue qui m'est assez proche et que je voulais partager ici :
Pour avoir passé 35 ans de ma vie à recevoir des urgences dans un hôpital public, j'ai pu observer l'évolution des comportements, parallèlement à l'évolution du coût des dépenses de santé. [...]
La vie est une maladie mortelle. Cette simple vérité n'est plus assumée. Chaque fois qu'un patient décède à l'hôpital, la première question qui se pose est : où est l'erreur ? Pour la famille, ce proche ne devait pas, ne pouvait pas mourir. Il faut chercher l'erreur et surtout le responsable. Et les tribunaux deviennent les arbitres de cette anomalie sociétale qu'est la mort. Pour les soignants, la mort est également vécue comme un échec: chaque plainte, chaque jugement provoque immédiatement une nouvelle culpabilisation du soignant [...], une nouvelle procédure de soins immédiatement répercutée à tout l'Hexagone, et une nouvelle dépense. [...]
J'ai assité en 30 ans à une extraordinaire inflation des procédures, donc des coûts de soins liés à ce phénomène sociétal du refus de la mort comme issue normale de la vie [...]. Cette quête infinie de la survie a un prix, qui se traduit par une inflation énorme des moyens nécessaires tant en personnel qu'en matériel. Nous payons aujourd'hui le prix de la peur de vivre donc de mourir, le prix du refus de la condition humaine.
Si nous faisons ce choix de survie coûte que coûte, assumons-le sans hypocrisie et acceptons de payer. [...] Mais les moyens mis dans la santé ne seront pas disponibles ailleurs. Quel que soit notre choix, quel que soit le prix que nous accepterons individuellement ou collectivement de payer, la mort sera toujours le terme de la vie. [...] Prenons garde que la peur de la mort ne finisse par dévorer la vie.
Jean Sauvey
Bricqueville-la-Blouette (Manche)
|
 |
 |
Le 25/09/2003 à 13h02 (213.46.***.***) |
Lionel (re: Nom propre) -
|
|
A Guitouche : Merci, j'ai beaucoup aimé ta réponse et puisqu'on parlait de noms, j'ai été ravi que tu fasses un commentaire sur celui que tu utilises ici ; depuis le début, moi qui suis assez obsédé du décodage, je faisais des hypothèses sur sa construction, hé hé !
A Nyto : En fait, je me suis probablement exprimé de façon pas assez explicite. Moi, non plus, je ne suis pas d'accord avec la thèse "jusqu'auboutiste" d'Outcome sur l'escamotage du nom propre pour s'exprimer publiquement, mais cet épisode me l'a fait mieux comprendre (ça n'étais pas trop clair pour moi jusque là) et je voulais la présenter clairement, parce qu'elle est intéressante, c'était ça mon propos.
Peut-être qu'Outcome, comme beaucoup d'autres (depuis Platon ?), cherche trop une Vérité extérieure aux individus, qui pourrait s'exprimer dans sa "pureté" si l'on pouvait la débarrasser des attributs de celui qui parle. De mon point de vue, on ne peut pas dissocier. Chaque parole est une part de récit de celui qui s'exprime. Elle contient des vérités universelles, des particularités "locales", des manifestations d'émotion, etc. La thèse vers laquelle je tends, plutôt contraire à celle d'Outcome, c'est qu'il faut viser non pas à dépouiller le récit des attributs de celui qui parle, mais à ce que chaque individu puisse exprimer son récit de la façon la plus cohérente possible.
Et ce récit, comment va-t-on l'appeler, le référencer ? Du nom de celui qui l'exprime, what else ? Chacun fait comme il veut, mais de mon côté, en signant toujours Lionel, je construis le récit qui m'est propre, en ne cessant d'en examiner toutes les pièces, de les rendre plus nettes, d'en assembler patiemment le puzzle pour parvenir à une cohérence qui dise vraiment quelque chose.
En outre, ces attributs de statut, de rôle, etc. dont nous parlions, je crois qu'ils ne sont jamais vraiment usurpés, mais au moins partiellement (voire largement) mérités. Ils ont été gagnés et l'individu a payé pour (he's paid his dues). Il n'est donc pas nécessairement pertinent de faire comme s'ils étaient accessoires et de vouloir les évacuer pour parvenir à plus de vérité.
Enfin, j'apprécie évidemment ta référence à JJ Goldmann et précisément cette citation avec laquelle je me sens aussi totalement en phase (va comprendre, Charles ! [si, si, c'est cohérent ]). J'ai toujours ressenti Goldmann, toutes proportions gardées et même si cela peut paraître présomptueux, comme quelqu'un me ressemblant beaucoup, aussi bien sur le plan de l'esprit que de la voix et du style de musique.
Pour être complet sur cette question, j'ai bien noté l'ironie inhabituellement lourde (une journée difficile, peut-être ?) de Philoctète ("J'aime beaucoup l'éloge de Lionel au roi [...]") qui visait à suggérer que, quoi qu'on en dise, le statut était prépondérant, notamment dans mes propos. Peut-être lui aussi a-t-il cru que je reprenais moi-même la thèse d'Outcome. Je redis qu'il n'en est rien. L'expression de chaque individu, l'attitude de chacun de nous vis-à-vis des autres est gouvernée par de nombreux paramètres dans lesquelles entrent toutes ces choses-là, le statut, le rôle, mais aussi des sentiments, un solde (débit/crédit/net), etc.
|
 |
 |
Le 24/09/2003 à 20h47 (81.49.***.***) |
Nebo -
|
|
 Dans ce cas voici un poème de Louis Aragon...il s'appelle "L'affiche rouge" et parle de Partisans d'origine étrangère s'étant battu pour ce pays qui est le nôtre. Pour connaître l'histoire authentique qui a inspiré ce poème que Léo Ferré a mis en musique, allez ici : http://www.netarmenie.com/histoire/dossiers/missak/index.php">L'affiche rouge Pour lire la lettre qui a, également, inspiré le poème, allez ici : http://www.netarmenie.com/histoire/dossiers/missak/lettre.php">Dernière lettre d'un résistant avant de se faire exécuter par les nazis Voici le poème :
"L'affiche rouge
Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient "la France" en s'abattant LOUIS ARAGON"
Une précision : "Erivan" est la capitale de l'Arménie. On dit aussi "Erévan"... Bonne lecture à vous ! La Culture et le Savoir sont des ARMES.
|
 |
 |
Le 24/09/2003 à 17h03 (212.47.***.***) |
Fox -
|
|
Claudia Alexander ou Gainsbourg... c'est toujours de la poésie ... (avec un grand < P > )
|
 |
 |
Le 24/09/2003 à 14h51 (212.47.***.***) |
signaletic -
|
|
A propos de "l'homme que l'on alimente en Culture de confection, en culture standard" il y a en ce moment une braderie sur des DVD à moins de 3 euros dans un web-shop. Et j'ai été stupéfait de voir que 50 films sans AUCUN INTERET (ni artistique, ni ludique, ni érotique, rien) poursuivaient une carrière DVD après celle en VHS. Et qu'on ne vienne pas me dire que c'est une question de goût : ce sont des nanars formatés violence/horror parfaitement commercialisables, et justement efficaces pour abrutir les neurones des jeunes et des moins jeunes (les tout-petits sont "protégés", et les vieux ne se laissent plus emmerder...) Des milliers d'exemplaires vendus dans mon dos (je zap ce créneau) : de quoi sinistrer des hectares de psychisme !("abrutir" dans le meilleur des cas... pervertir ou polluer, le plus souvent : pendant qu'on s'occupe avec ça, on ne laisse pas la place à autre chose, c'est ou l'un ou l'autre...) Je voyais bien des silhouettes la nuit, au coin de ma rue, rôder près du distributeur de K7, comme une secte (signe distinctif : ses membres ont l'habitude de se garer en laissant le moteur allumé)... je sais maintenant ce qui occupe leur imaginaire (et c'est un choc pour moi ! Epouvantable...)
|
 |
 |
Le 24/09/2003 à 14h13 (194.196.***.***) |
Pioupiou -
|
|
http://www.bertignac.com/forum_aide/index.html','_blank','toolbar=0,location=0,directories=0,status=0,scrollbars=0,resizable=0,menuBar=0,width=520,height=185');">Aide
|
 |
 |
Le 24/09/2003 à 14h05 (212.83.***.**) |
Fox @ JC -
|
|
"set the controls for the heart of the sun" ? Quand tu pars pour Jupiter t'as pas interet à oublier quelque chose (le sel ou la mayonnaise, tes clefs etc) parce que c'est 14 ans aller et 14 ans retour !!! (donc pense à prendre de la lecture : 28 ans le voyage, dans l'état actuel de nos moyens de propulsion... et presque 56 si tu as fait une fausse manip et que tu reviens chercher ta compile de Bjork restée à la maison ... maison ...maison ...maison)"La sonde de 1,35 tonne a ainsi été propulsée dans l'atmosphère brûlante de Jupiter à une vitesse de 48,2 kilomètres par seconde (soit 172 800 km/heure) et s'est désintégrée quelques minutes après. La destruction programmée de Galileo met fin à un périple de 4,63 milliards de kilomètres débuté en octobre 1989 par son lancement à bord de la navette spatiale Atlantis.
En fait, Galileo n'ayant pas été traitée contre les microbes, la NASA a préféré ne pas courir le risque de voir l'engin s'écraser sur Europa, l'une des lunes de Jupiter. La sonde se présentait effectivement comme une véritable "bombe" bactériologique pour cet environnement "extra-terrestre" et risquait de le contaminer.
Claudia Alexander, le chef du projet Galileo, s'est félicitée de la mission finale de la sonde qui a transmis jusqu'à la fin des informations précieuses sur l'atmosphère de Jupiter. Selon cette dernière, la sonde a "accompli un travail extraordinaire et c'est une belle fin". Ses passages à proximité de Europa, Ganymede et Callisto, trois des lunes de Jupiter, ont également dévoilé les détails de leurs surfaces glacées. Selon de fortes probabilités, celles-ci recouvrent des océans d'eau salée pouvant abriter des micro-organismes. Selon Claudia Alexander, chef du projet Galileo, "c'est la première fois qu'on découvre un océan depuis 500 ans, le précédent était le Pacifique".
Au cours de ces 14 années de mission, Galileo a permis de prendre plus de 14 000 photos, montrant notamment des volcans géants en éruption de la lune Io, astre géologiquement le plus actif du système solaire. La sonde a également été la première à frôler un astéroïde et à découvrir l'existence d'une lune autour de celui-ci. Elle a également été le seul témoin direct de la collision surprise de la comète Shoemaker-Levy avec Jupiter en juillet 1994."
|
 |
 |
Le 24/09/2003 à 11h42 (194.196.***.**) |
-
|
|
Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve. Antoine de Saint-Exupéry
|
 |
 |
Le 24/09/2003 à 07h59 (212.11.**.**) |
Wolfie -
|
|
Bonjour,
Face à nos exhutoires païens, quoi de mieux qu'un St Exupery. Merci Nebo.
|
 |
 |
Le 24/09/2003 à 03h54 (212.47.***.***) |
Fox ... c'était-à -dire St Ex ... -
|
|
J'ai tenté de copier/coller quelque citation pour commenter, pour opiner, pour acquiescer encore plus fort, pour applaudir d'approbation. Mais à ce petit jeu j'ai vite compris que, comme Nebo, je ne pourrai que reprendre in extenso le texte, tant il est dense et visionnaire, et qu'il n'y a (quasiment) RIEN à ôter dans cette contrib !
Je dis ça pour ceux que ça rebuterait, et qui auraient aimé trouver une version "reader's digest" ... Enfin, stoppé dans mon élan de surligneur, je ne résiste pas à bisser qq bribes qd m^ , trop bonnes, outwared à fond les manettes, avec quelques // (parallèle avec ...)
Qd je disais que "les sous-sols sont gravés de messages venus du passé [celui-là par ex., merci Nebo de l'avoir déterré] pour mieux nous faire comprendre la vie"
//
" Et la vie de l'Esprit commence là où un Être « vu » est conçu au-dessus des matériaux qui le composent. L'amour de la maison — cet amour inconnaissable aux États-Unis — est déjà de la vie de l'Esprit. Et la fête villageoise. Et le culte des morts."
Qd Louis parlait de "vos pensées qui touchent souvent le ciel" : pour ça, St Ex. est un pro de chez pro ! ( // "après quelque six mille cinq cents heures de vol sous tous les ciels du monde")...
D'où cette exigence, différente de "l'homme que l'on alimente en Culture de confection, en culture standard, comme l'on alimente les bœufs en foin".
"Le vol aussi, c'est un certain ordre de liens" // en 1943 il n'y avait pas le tissage du Net, mais on prenait déjà de l'altitude ...
"La civilisation est un lien invisible, parce qu'elle porte non sur les choses, mais sur les invisibles liens qui les nouent l'une à l'autre, ainsi et non autrement. Nous aurons de parfaits instruments à musique, distribués en grande série, mais où sera le musicien ? "
//
... D.J. Diktator, "autoroutes de l'information", samples & clonages (chanteuses "à voix", gangsta rap etc etc)
"il n'est plus de victoires aujourd'hui, rien qui ait la densité poétique d'un Austerlitz. Il n'est plus que des phénomènes de digestion lente ou rapide." (// des récentes élections françaises, à l'enlisement américain en Irak... pas de quoi faire une teuf ! Jamais de la vie...)
"Siècle de la publicité, [...] des régimes totalitaires et des armées sans clairons ni drapeaux, ni messes pour les morts. Je hais mon époque de toutes mes forces. L'homme y meurt de soif." // canicule 2003. Tiers monde aussi. No comment (j'ai la bouche sèche).
"On ne peut plus vivre de frigidaires, de politique, de belote et de mots croisés, voyez-vous ! On ne peut plus. On ne peut plus vivre sans poésie, couleur, ni amour."
|
 |
 |
Le 23/09/2003 à 19h18 (193.253.**.***) |
Nebo...euh... Saint-Exupéry -
|
|
"LETTRE NON ENVOYÉE
DESTINÉE AU GÉNÉRAL X…
[Oudjda. Juin 1943]
Cher Général,
Je viens de faire quelques vols sur P 38. C'est une belle machine. J'aurais été heureux de disposer de ce cadeau-là pour mes vingt ans. Je constate avec mélancolie qu'aujourd'hui, à quarante-trois ans, après quelque six mille cinq cents heures de vol sous tous les ciels du monde, je ne puis plus trouver grand plaisir à ces jeux-là. L'avion n'est plus qu'un instrument de déplacement — ici de guerre — et si je me soumets à la vitesse et à l'altitude à un âge patriarcal pour ce métier, c'est bien plus pour ne rien refuser des emmerdements de ma génération, que dans l'espoir de retrouver les satisfactions d'autrefois.
Ceci est peut-être mélancolique — mais peut-être bien ne l'est pas. C'est sans doute quand j'avais vingt ans que je me trompais. En octobre 1940, de retour d’Afrique du Nord, où le groupe 2/33 avait émigré, ma voiture étant remisée, exsangue, dans quelque garage poussiéreux, j'ai découvert la carriole à cheval. Par elle, l'herbe des chemins, les moutons et les oliviers. Ces oliviers avaient un autre rôle que celui de battre la mesure, derrière les vitres, à cent trente kilomètres-heure. Ils se montraient dans leur rythme vrai, qui est de lentement fabriquer des olives. Les moutons n'avaient plus pour fin exclusive, de faire tomber la moyenne. Ils redevenaient vivants. Ils faisaient de vraies crottes et fabriquaient de la vraie laine. Et l'herbe aussi avait un sens, puisqu'ils la broutaient.
Et je me suis senti revivre, dans ce seul coin du monde où la poussière soit parfumée (je suis injuste. Elle l'est en Grèce aussi comme en Provence). Et il m'a semblé que, durant toute ma vie, j'avais été un imbécile. (…)
Tout ça pour vous expliquer que cette existence grégaire, au cœur d'une base américaine, ces repas expédiés debout en dix minutes, ce-va-et-vient entre des monoplaces de deux mille six cents chevaux, et une sorte de bâtisse abstraite où nous sommes entassés à trois par chambre, ce terrible désert humain, en un mot, n'a rien qui me caresse le cœur. Ça aussi, comme les missions sans profit ni espoir de retour de juin 1939, c'est une maladie à passer. Je suis « malade » pour un tempsinconnu. Mais je ne me reconnais pas le droit de ne pas subir cette maladie. Voilà tout.
Ainsi je suis profondément triste — et en profondeur. Je suis triste pour ma génération, qui est vidée de toute substance humaine. Qui n'ayant connu que le bar, les mathématiques et la Bugatti, comme forme de vie spirituelle, se trouve aujourd'hui entassée dans une action strictement grégaire, qui n'a plus aucune couleur. On ne sait pas le remarquer. Prenez le phénomène militaire d'il y a cent ans. Considérez combien il intégrait d'efforts, pour qu'il fût répondu à la soif spirituelle, poétique ou simplement humaine de l'homme.
Aujourd'hui que nous sommes plus desséchés que des briques, nous sourions de ces naïvetés. Les costumes, les drapeaux, les chants, la musique, les victoires (il n'est plus de victoires aujourd'hui, rien qui ait la densité poétique d'un Austerlitz. Il n'est plus que des phénomènes de digestion lente ou rapide). Tout lyrisme sonne ridicule. Les hommes refusent d'être réveillés à une vie spirituelle quelconque. Ils font honnêtement une sorte de travail à la chaîne. Comme dit la jeunesse américaine « nous acceptons honnêtement ce job ingrat ». Et la propagande. dans le monde entier, se bat les flancs avec désespoir. Sa maladie n'est point d'absence de talents particuliers, mais de l'interdiction qui lui est faite de s'appuyer, sans paraître pompière, sur les grands mythes rafraîchissants. De la tragédie grecque, l'humanité dans sa décadence, est tombée jusqu’au théâtre de Monsieur Louis Verneuil. (On ne peut guère aller plus bas.) Siècle de la publicité, du système Bedeau, des régimes totalitaires et des armées sansclairons ni drapeaux, ni messes pour les morts. Je hais mon époque de toutes mes forces. L'homme y meurt de soif.
Ah général, il n'y a qu'un problème, un seul, de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle. Des inquiétudes spirituelles. Faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien. Si j'avais la foi, il est bien certain que, passé cette époque de « job nécessaire et ingrat », je ne supporterai plus que Solesme. On ne peut plus vivre de frigidaires, de politique, de belote et de mots croisés, voyez-vous ! On ne peut plus. On ne peut plus vivre sans poésie, couleur, ni amour. Rien qu’à entendre les chants villageois du XVe siècle on mesure la pente descendue. Il ne reste rien que la voix du robot de la propagande (pardonnez-moi).
Deux milliards n'entendent plus que le robot, ne comprennent plus que le robot. Se font robots. Tous les craquements des trente dernières années n’ont que deux sources. Les impasses du système économique du XIXe siècle. Le désespoir spirituel. Pourquoi Mermoz a-t-il suivi son grand dadais de colonel, sinon par soif ? Pourquoi la Russie, pourquoi l’Espagne? Les hommes ont fait l'essai des valeurs cartésiennes : hors les sciences de la nature, ça ne leur a guère réussi. Il n’y a qu'un problème, un seul, redécouvrir qu'il est une vie de l'Esprit, plus haute encore que la vie de l'intelligence. La seule qui satisfasse l'homme. Ça déborde le problème de la vie religieuse, qui n'en est qu'une forme (bien que, peut-être, la vie de l'esprit conduise à l'autre nécessairement). Et la vie de l'Esprit commence là où un Être « vu » est conçu au-dessus des matériaux qui le composent. L'amour de la maison — cet amour inconnaissable aux États-Unis — est déjà de la vie de l'Esprit. Et la fête villageoise. Et le culte des morts. (Je cite ça, car il s'est tué, depuis mon arrivée ici, deux ou trois parachutistes. Mais on les a escamotés : ils avaient fini de servir. Ça, c’est de l'époque, non de l'Amérique l'homme n’a plus de sens.)
Il faut absolument parler aux hommes.
À quoi servira de gagner la guerre, si nous en avons pour cent ans de crises d'épilepsie révolutionnaire ? Quand la question allemande sera enfin réglée, tous les problèmes véritables commenceront à se poser. Il est peu probable que la spéculation sur les stocks américains suffise, au sortir de cette guerre, à distraire, comme en 1919, l'humanité de ses soucis véritables. Faute d'un courant spirituel fort, il poussera, comme champignons, trente-six sectes qui se dévoreront les unes les autres. Le marxisme lui-même, trop vieillot, se décompose en une multitude de néo-marxismes contradictoires. On l'a bien observé en Espagne. A moins qu'un César français ne nous installe dans un camp de concentration néo-socialiste pour l'éternité.
Il faut parler aux hommes, parce qu'ils sont prêts à se rallier à n'importe quoi. Je regrette de m'être, l'autre matin, si mal exprimé auprès du général Giraud. Mon intervention a paru lui déplaire comme une faute de goût ou de tact ou de discipline. Je m'en affecte absolument la faute : il est difficile d'aborder, à bâtons rompus, de tels problèmes. J'ai échoué par hâte. Cependant, le général a été injuste en me marquant si nettement sa désapprobation, car je n'avais pour but que le rayonnement de l'effort et de la forme de pensée qu'il représente. L'automatisme de la hiérarchie militaire émoussait mes arguments. Le général m'eût écouté avec plus de bienveillance si j'avais été plus adroit. Et cependant, ce que j'exprimais partait de mes tripes, et je parlais dans le seul but de lui être utile et, par lui, d'être utile à mon pays. Car il me paraît discutable que les commandants d'unité aient qualité pour substituer leur interprétation à un exposé fondamental. Ils n'ont point le pouvoir d'apaiser, s'ils ne se réfèrent pas à un exposé officiel, le sous-officier qui doute de soi, une action politique qui a eu en permanence le souci des exposés précis et simples, l'ayant tourmenté dans sa probité. son patriotisme et son honneur. Le général G[iraud] est dépositaire de l'honneur de ses soldats.
À ce sujet, j'ignore si le remarquable discours que le général Giraud a prononcé — et que la presse nous apportait ici avant-hier — doit quelque chose de ses thèmes à mon inquiétude. Le passage, concernant la résistance invisible et le sauvetage de l'Afrique du Nord, était exactement ce dont les hommes avaient soif. Les remarques entendues en font foi. Si j'ai ici servi à quelque chose, et si même le général Giraud me tient rigueur de mon intervention, je suis heureux d'avoir rendu service. Il ne s'agit point de moi. De toute façon, le discours était nécessaire : il a été remarquablement réussi. Cher général, mis à part ces dernières lignes concernant une visite qui m’a laissé un vague malaise, je ne sais trop pourquoi je vous fatigue de cette lettre longue, illisible (j'ai le poignet droit cassé, j'ai du mal à me faire lisible), et inutile. Mais je me sens assez sombre, et j'ai besoin d'une amitié.
Ah ! cher général, quelle étrange soirée ce soir. Quel étrange climat. Je vois de ma chambre s'allumer les fenêtres de ces bâtisses sans visage. J'entends les postes radio divers débiter leur musique de mirliton à cette foule désœuvrée, venue d'au-delà des mers, et qui ne connaît même pas la nostalgie. On peut confondre cette acceptation résignée avec l'esprit de sacrifice ou la grandeur morale. Ce serait là une belle erreur. Les liens d'amour, qui nouent l'homme d'aujourd'hui aux Êtres comme aux choses, sont si peu tendres, si peu denses, que l'homme ne sent plus l'absence comme autrefois. C'est le mot terrible de cette histoire juive : « Tu vas donc là-bas ? Comme tu seras loin ! Loin d'où ? » Le « où » qu'ils ont quitté, n'était plus guère qu'un vague faisceau d’habitudes. En cette époque de divorce, on divorce avec la même facilité d'avec les choses. Les frigidaires sont interchangeables. Et la maison aussi, si elle n'est plus qu'un assemblage. Et la femme. Et la religion. Et le parti. On ne peut même plus être infidèle : à quoi serait-on infidèle ? Loin d'où et infidèle à quoi ? Désert de l’homme. Qu’ils sont donc sages et paisibles ces hommes en groupe. Moi je songe aux marins bretons d’autrefois, qui débarquaient à Magellan, à la légion étrangère lâchée sur une ville, à ces nœuds complexes d'appétits violents et de nostalgies intolérables qu'ont toujours constitués les mâles un peu trop sévèrement parqués. Il fallait toujours pour les tenir des gendarmes forts ou des principes forts, ou des fois fortes. Mais aucun de ceux-là ne manquerait de respect à une gardeuse d’oies. L'homme d'aujourd'hui, on le fait tenir tranquille, selon le milieu, avec la belote ou avec le bridge. Nous sommes étonnamment bien châtrés. Ainsi, sommes-nous enfin libres. On nous a coupé les bras et les jambes, puis on nous a laissé libres de marcher.
Moi je hais cette époque, où l'homme devient sous un «totalitarisme universel », bétail doux, poli et tranquille. On nous fait prendre ça pour un progrès moral ! Ce que je hais dans le marxisme, c'est le totalitarisme à quoi il conduit. L'homme y est défini comme producteur et consommateur. Le problème essentiel est celui de distribution. Ainsi dans les fermes modèles. Ce que je hais dans le nazisme, c'est le totalitarisme à quoi il prétend par son essence même. On fait défiler les ouvriers de la Ruhr devant un Van Gogh, un Cézanne et un chromo. Ils votent naturellement pour le chromo. Voilà la vérité du peuple ! On boucle solidement dans un camp de concentration les candidats Cézanne, les candidats Van Gogh, tous les grands non-conformistes, et l'on alimente en chromos un bétail soumis. Mais où vont les États-Unis, et où allions-nous nous aussi. À cette époque de fonctionnariat universel ? L'homme robot, l'homme termite, l'homme oscillant d'un travail à la chaîne, système Bedaux, à la belote. L'homme châtré de tout son pouvoir créateur et qui ne sait même plus, du fond de son village, créer une danse ni unechanson. L'homme que l'on alimente en Culture de confection, en culture standard, comme l'on alimente les bœufs en foin. C'est ça l'homme d'aujourd'hui.
Et moi je pense que — il n’y a pas trois cents ans — on pouvait écrire La Princesse de Clêves ou s'enfermer dans un couvent pour la vie à cause d'un amour perdu, tant était brûlant l'amour. Aujourd'hui, bien sûr, des gens se suicident, mais la souffrance de ceux-là est de l'ordre d'une rage de dents intolérable. Ça n'a point affaire avec l'amour.
Certes, il est une première étape. Je ne puis supporter l'idée de verser des générations d'enfants français dans le ventre du molochallemand. La substance même est menacée. Mais quand elle sera sauvée, alors se posera le problème fondamental qui est celui de notre temps. Qui est celui du sens de l'homme. Et il n'est point proposé de réponse. et j'ai l'impression de marcher vers les temps les plus noirs du monde.
Ça m'est bien égal d'être tué en guerre. De ce que j'ai aimé, que restera-t-il ? Autant que des Êtres, je parle des coutumes, des intonations irremplaçables, d'une certaine lumière spirituelle. Du déjeuner dans la ferme provençale sous les oliviers, mais aussi de Haendel. Les choses, je m'en fous, qui subsisteront. Ce qui vaut, c'est un certain arrangement des choses. La civilisation est un lien invisible, parce qu'elle porte non sur les choses, mais sur les invisibles liens qui les nouent l'une à l'autre, ainsi et non autrement. Nous aurons de parfaits instruments à musique, distribués en grande série, mais où sera le musicien ?
Si je suis tué en guerre, je m'en moque bien, ou si je subis une crise de rage de ces sortes de torpilles volantes, qui n'ont plus rien à voir avec le vol, et font du pilote, parmi ses boutons et ses cadrans, une sorte de chef comptable. (Le vol aussi, c'est un certain ordre de liens.) Mais si je rentre vivant de ce «job nécessaire et ingrat », il ne se posera pour moi qu'un problème : que peut-on, que faut-il dire aux hommes ?
Je sais de moins en moins pourquoi je vous raconte tout ceci. Sans doute pour le dire à quelqu'un, car ce n'est point ce que j'ai le droit de raconter. Il faut favoriser la paix des autres, et ne pas embrouiller les problèmes. Pour l'instant, il est bien que nous nous fassions chefs comptables à bord de nos avions de guerre.
Depuis le temps que j'écris, deux camarades se sont endormis devant moi dans ma chambre. Il va me falloir me coucher aussi, car je suppose que ma lumière les gêne (ça me manque bien, un coin à moi ! ). Ces deux camarades, dans leur genre, sont merveilleux. C'est droit, c'est noble, c'est propre, c'est fidèle. Et je ne sais pourquoi j'éprouve, à les regarder dormir, une sorte de pitié impuissante. Car s'ils ignorent leur propre inquiétude, je la sens bien. Droits, nobles, propres, fidèles, oui. Mais aussi terriblement pauvres. Ils auraient tant besoin d’un dieu.
Cher général, pardonnez-moi, si cette mauvaise lampe électrique que je vais éteindre, vous a aussi empêché de dormir. Et croyez en mon amitié.
Saint-Exupéry."
Saint-Exupéry. Mort pour la France !
|
 |
|