Cependant...je suis un fumeur pour ainsi dire quotidien. Le soir généralement...quand les enfants sont couchés, qu'ils ne sont pas malades, que la vaisselle est faite, que l'aspirateur est passé, la litière des chats changée...bref, que je n'ai pas d'obligations ! Et bien malgré ça, la légalisation m'interpelle....tut...tut...tut...je sais...je sais...tu parles de dépénalisation pour le gars qui a sa petite barette ou son petit bloc de 12 grammes dans sa poche...le fumeur festif...mais bon, déja dans la pratique, je ne connais pas un seul cas de quelqu'un qui se serait retrouvé en prison ces 10 dernières années pour sa petite barette...la justice comme la police sont devenu plutôt compréhensifs...je connais beaucoup de gars qui se sont fait chopper avec leur petite boulette et à part se faire confisquer leur "chichon" et recevoir une leçon de morale ils n'ont pas morflé! On est plus dans les années 70 et 80 quand c'était chaud même pour un simple joint. Le CIRC veut bien la dépénalisation officielle mais aussi et SURTOUT la légalisation.

Alors pourquoi pas? Mais parlons en. Je veux dire, ce genre de décision doit se prendre au terme d'un débat CITOYEN où TOUT le monde devrait se sentir concerné. Le plan très jovial de la bande de copains qui se retrouvent le dimanche midi pour manger à la campagne et partager chaleureusement le joint convivial, excuse moi l'ami, mais tout sympathique qu'elle est cette image d'épinal n'est pas la réalité dans la grande majorité des cas. Si tu es éducateur tu dois savoir de quoi je parle. Dans ma cité je vois des jeunes de 16/20 ans qui sont simplement explosés du matin au soir et toute la sainte journée ! En tant que père et...fumeur...ben ça me pose un problème. Une Nation d'endormis, de lobotomisés du bulbe, personnellement ça ne me botte pas du tout.

Le haschisch, quand il est de qualité...je veux dire...pas coupé au "michelin ZX"...peut en effet créer des échanges euphoriques entre le "moi" et le monde...entre le "moi" et "l'autre". Echange euphorique...les synapses se connectent... l'espace-temps se distord...on a le sentiment de vivre les choses au ralenti ou en accéléré...en profondeur aussi. Mais quelle profondeur? Oui, quelle profondeur ????? Là est aussi la question. Car ce produit n'est qu'un "boost"...un "moteur auxiliaire"...un "révélateur"...Il ne fera que booster et révéler ce qui est déjà en moi, en toi, en celui qui fume! Donc, si il y a de l'aggressivité dans l'air (genre...aux pieds d'un immeuble de banlieue) et bien la tension n'en sera que décuplée... les tribus locales avec leur Rap à fond et parfois leurs tee-shirts de Bob Marley n'ont cependant rien de pacifique...et pourtant ils fument.

J'ai eu la chance de fumer une Sensimilia Californienne il y a une vingtaine d'année...je m'en souviens encore, c'est te dire...après cette expérience (qui s'est très bien passée pour moi) j'ai remis en qustion ce qu'on nomme "les drogues douces", parce que la Sensimilia en question, qui ressemblait à n'importe quelle herbe, elle était limite HALLUCINATOIRE genre LSD...comme quoi les frontières sont vraiment plus nuancées que ce que les fumeurs de joints affirment en général :"la fumette c'est doux...l'hero c'est dur"...

Je sais que ça va en choquer quelques uns mais je connais personnellement des junkies qui sont junkies depuis 20 ans...des vieux de la vieille...qui gèrent leur prise de came dans les limites du raisonnable et qui ont habitué leur organisme à passer quelques jours sans came quand ils n'ont plus d'argent ou qu'ils n'en trouvent pas! Par contre je connais des fumeurs de joints qui ne peuvent pas passer la matiné sereinement s'ils ne se sont pas plombé la tête avec leur pétard salutaire. Donc c'est plus complexe que cette simple distinction Manichéenne : YOUPIIII LE JOINT...BEURK LA CAME!

Moi, très franchement, je pense que le haschisch n'est pas très dangereux quand il est utilisé avec sagesse et parcimonie...beaucoup moins que les drogues dites "dures", même lorsque celle ci sont utilisées avec parcimonie aussi. Néanmoins, je considère que tout ça c'est "bullshit" (comme dirait Anne, une copine). Le but c'est quand même de ne pas être dépendant de quoi que ce soit pour être heureux ou pour tendre vers le bonheur. Parce que des drogues il y en a : la musique, le tiercé, la politique, l'alcool, internet, la television, l'heroïne, le sexe, le cannabis, etc.... Toutes peuvent être nuisibles! Toutes peuvent être ludiques. Il s'agit en effet d'être éduqués, responsables (HELLO LIONEL) et de ne pas donner le sentiment en en parlant que demain tous les gosses vont devenir des consommateurs ce qui me ferait chier (HELLO BABETTE). Donc il faudrait plutôt faire des manifs non pour que cela soit légalisé mais pour que le débat soit OUVERT, LARGE ET...LONG!

J'ai une belle soeur qui est atteinte de schlérose en plaque. Fauteuil roulant. Ses membres la lachent progressivement. Avant elle ne fumait pas. Quand j'avais 19 ans, elle se méfiait même de moi à cause de mes joints. Puis sa maladie lui ayant réclamé ses droits elle s'est mise à fumer du cannabis car elle ne supportait tout simplement plus les effets secondaires des médicaments qu'elle devait prendre! Le resultat? Des douleurs largement diminués, l'appetit qui revient (ses médicaments lui enlevaient l'appétit) et comme effets secondaires uniquement des crises de rires euphoriques (pas de nausée, de maux de tête, de brulure d'estomac et d'abrutissement de la tronche)...c'est quand même pas mal. Donc si il y a une priorité c'est bien celle du Cannabis thérapeutique. L'Angleterre, la Suisse s'y sont mises! Pourquoi pas la France? Même aux USA deux ou trois Etats autorisent l'utilisation thérapeutique du Cannabis! Donc faut voir! Faut en parler! Il ne faut pas faire n'importe quoi!

Je ne suis pas encore allé à Amsterdam. Mais franchement...ça me ferait chier que demain, le week end, débarquent 10 000 touristes sur Paris juste pour nous achetter de quoi fumer! En Suisse, par exemple, ils ne devraient pas avoir ce problème : seuls les citoyens Suisses peuvent achetter le haschisch local (de très bonne qualité m'a-t-on dit) ou alors les étrangers mais avec prescription médicale émanant d'un médecin Suisse ! Donc là encore on a affaire à un ensemble de règles qui encadrent la légalisation et ne permettent pas que n'importe quoi se passe!

Et puis il y a la crainte de l'Etat de ce qui arriverait dans les cités si soudainement le "H" devenait autorisé! Comme je le disais précédemment, des familles entières tiennent le coup grace au deal de shit! Je ne parle pas là des jeunes "caïds" qui roulent en Porsche ! Je parle des petits dealers qui payent leur loyer, EDF/GDF, la bouffe, etc... Tu sais, comme ce "black" dans le film "La haine" de Kassovitz. Excellent film qui montre bien des choses. Et bien si demain je peux trouver du shit ou de l'herbe de super qualité (pas coupé par de la merde), servis normalement, et pour 13 Euros au lieu de 30 ou 45 euros...et bien du jour au lendemain si ces petits dealers se retrouvent sans revenus, sans ressource..;que se passera-t-il?

Donc légaliser...ouais...mais dans quelles conditions? Et avec quelles conséquences? Par exemple : on légalise demain...tous les dealers des banlieues passent aux drogues dures! Des familles entières subsistent grace au DEAL. Ce n'est qu'un exemple...mais qui pèse son poids !

Babette : C'est toujours la même histoire d'une "minorité" (les fumeurs de canna) qui se bat pour imposer son point de vue à la majorité (les non-adeptes).

C'est un point de vue, mais ce n'est pas le seul, ni le plus évident. La minorité n'impose à personne de fumer des joints comme elle. Elle est dans la position de très nombreuses minorités à travers les siècles qui demandent simplement à pouvoir pratiquer leur pratique sans être inquiétées par le reste de la société pour cela. On peut, par exemple, évoquer les actions de minorités religieuses pour pouvoir pratiquer leur culte sans être hors-la-loi. A l'époque, la majorité religieuse estimait aussi qu'officialiser un autre culte présenterait de graves dangers pour les consciences des autres et notamment des enfants.

A ce sujet, Babette, il faut être prudent, ton exemple de la stigmatisation (les tâches vertes !) est un contre-exemple : l'individu moderne est de moins en moins contraint par la bonne conscience sociale majoritaire et c'est plutôt une bonne chose, d'une part. D'autre part, l'argument de la pression sociale et de la stigmatisation pour dégager l'attitude "vraie", "bonne" ne fonctionne pas, ou plus. L'individu moderne favorisant la vérité, c'est plutôt celui qui est capable de résister à la pression de la majorité bien pensante, c'est-à-dire de défendre ses idées et ses choix même en présence d'une pression sociale menaçante pour lui en tant qu'individu.

Et cette menace qui pèse sur lui, en l'occurrence, c'est l'arbitraire : normalement, fumer des joints est toléré, on en voit partout l'illustration (bien qu'en ce moment, ça se tende un peu) et c'est rappelé régulièrement par des voix autorisées. Mais il dépend d'un policier, d'un juge, que l'on soit lourdement frappé (jusqu'à 50 millions de francs d'amende et 20 ans de prison pour faire pousser du cannabis, par exemple !!). Ce n'est pas acceptable. Notamment pour un produit qui ne tue pas et présente relativement peu de dangers.

D'autant que nous sommes dans une époque de transition où la règle, les règles, doivent de plus en plus passer d'obligations imposées légalement à des préceptes défendus consciemment par l'individu lui-même, pour des raisons fondées et explicables par lui. Le passage à une nouvelle ère de l'homme (la "mutation anthropologique") ne se fera qu'à ce prix, la "décentralisation" ultime dans la responsabilité individuelle.

Dans cet esprit, rappelons-nous que ce n'est pas le produit qui fait problème mais le symptôme, la souffrance. Interdire les joints, peut-être bientôt la cigarette, prohiber l'alcool, voire interdire de trop manger pour ne pas risquer l'obésité, c'est frustre, ça reporte le problème. Les vrais problèmes sont ailleurs, dans les rapports des gens entre eux, dans les non-dits, dans la souffrance de chacun.

Allez, je vous quitte, je vais essayer d'aller à Bastille pas trop tard pour soutenir le CIRC!
-=Lionel=-

PS: Je reparticipe avec plaisir aux débats sur une question qui me concerne, sans toutefois m'engager à participer à plusieurs jours de discussion sur ce sujet déjà largement débattu.