C'est bien, camarade, tu me permets d'en remettre une couche sur le même sujet : le plus gros contresens d'une bonne partie de la gauche, c'est de croire ou de faire croire que la cause première de la mondialisation, c'est la tendance de patrons et d'actionnaires "voyous" à "faire toujours plus de profit".

En réalité, la cause première de la mondialisation, ce sont évidemment les pays moins riches que l'Occident qui frappent furieusement à la porte pour pouvoir vivre aussi une vie décente. Et contrairement à ce que tu affirmes, Zuma, on a très peu lâché au Tiers monde jusqu'ici, sinon ça se verrait.

Le plus gros morceau, c'est l'agriculture. Et on a pratiquement rien lâché, on lobbyise dans le plus parfait égoïsme. Les Américains et les Européens (surtout les Français, 2e agriculture mondiale loin devant tous les autres européens) font tout pour que leurs céréales et autres soient plus compétitifs que ceux des autres pays. C'est comme si, dans l'exemple de la traduction que je vous ai donné hier, tous les citoyens européens se cotisaient pour me subventionner et me verser 0,10 EUR à chaque mot que je traduis, comme ça je pourrai à la fois conserver mon niveau de vie et vendre mes traductions aussi peu chères que la Roumaine dont je parlais hier.

Ce sont évidemment des mécanismes protectionnistes absurdes qui ne font que faire reculer le moment de vérité. On ne lâche pas grand chose avec bonne volonté non plus, Zuma. MOULINEX, par exemple, patrons, syndicalistes et salariés confondus, où des dizaines d'entreprises de ce genre-là, se sont entêtées 20 ans dans des voies qui étaient clairement des culs-de-sac, alors que pour d'autres pays moins riches, c'était en train de devenir une activité à leur portée.

Alors évidemment, des altermondialistes aux bien pensants de gauche, on voudrait éliminer les problèmes de concurrence entre régions de différents niveaux de vie en fantasmant une espèce de paradis socio-économique mondial où tous les travailleurs bénéficieraient automatiquement de tous les "avantages sociaux" des pays les plus avancés.

J'essaye de rester courtois et serein dans la plupart des débats, mais si on me pousse vraiment, je dirai sans ambages qu'à mes yeux, ce type d'argumentation est indigne. Indigne de ceux qui tiennent ces raisonnements dépassés comme des mantras rassurants mais ne menant nulle part, alors qu'ils pourraient certainement contribuer de façon plus réaliste. Indigne des enjeux actuels, d'une époque charnière et dangereuse où tout est très volatil et explosif, où le moins qu'un humain de bonne volonté devrait faire, ce serait de ne pas ajouter de l'huile sur le feu.

Une dernière remarque à Zuma : les baskets à 2 francs, ce sont les populations de nos pays qui les demandent. Si la majorité des gens fonctionnaient autrement que, "je me précipite sur le moins cher ou, mieux, sur le gratuit", on en serait pas là. Il y a encore peu de conscience des équilibres planétaires. Personnellement, j'essaye -- et je ne suis pas le seul heureusement -- d'élargir cette conscience.

A la limite, les altermondialistes sont la voix des beaufs occidentaux, de la partie la moins ouverte de la population. Ils vocifèrent des histoires archaïques mais qui font encore vibrer, ça assure le spectacle, il y a mise en scène, décors, effets spéciaux. Etant donné que ça manque sérieusement de noblesse -- évidemment, intrinsèquement --, la grand-messe de l'altermondialisme à Sao Paulo prend l'aspect d'une espèce de pièce de boulevard où tout le monde finit par se rendre par rouerie, pour "feindre d'en être les instigateurs" ou à tout le moins d'en être des participants.

Anonyme :Question : que fait-on des gens qui n'ont pas le niveau "chercheur" et qui ne l'auront jamais ?

Tiens encore une question finalement pas très gentille pour ceux qui n'ont pas fait la fac, venant certainement d'un "intellectuel de gauche" qui ne se sait pas ou ne s'avoue pas élitiste. C'est pas Fox qui serait derrière les 2 contribs Zuma et anonyme, par hasard ? ;o)

Ecoute, dans nos pays, tout le monde a déjà un niveau de nutrition bien supérieur à celui de bien des pays ; ensuite tout le monde a un niveau d'éducation également favorisé. Par ailleurs, ce que je décris de façon schématique s'appliquera bien entendu sans doute de façon plus souple. On peut très bien progressivement (et dieu sait qu'on s'y prend progressivement en plusieurs années) arrêter des grandes entreprises agricoles exportatrices de milliers de tonnes tout en conservant une agriculture conçue à terme uniquement pour satisfaire nos besoins nationaux.

C'est dommage que rien n'ait été prévu à fond contre le sinistre (comme disent les assurances) du littoral parce que c'était le jour J, que la nature nous offrait pour réparer nos erreurs... ("pomper, pomper & pomper" au large, au lieu de ratisser large par terre)

Lionel, il ne s'agit pas de chipotter entre pays sur comment faire, mais de faire (vite)... Sans tjrs reporter à plus tard. Les commissions d'experts sont des oubliettes, c'est le bricolage seul qui est efficace en ce moment (ou presque : y'a bien un bateau norvégien qui est pro, mais il est seul car ses 5 frangins sont restés au pays).
Sans doute que tu maîtrises mal le sujet, car c'est justement pour faire respecter le droit que ces procédures ont lieu. Je pense que, comme ça avait mis plus de 10 ans (plus près de 20 je crois) pour que les victimes de l'Amoco Cadix soient indemnisées un minimum, là elles s'organisent mieux. (Et Jo Le Guen est leur représentant au sein du FIPOL, ce qui est déjà un bon point, vu que jusqu'à maintenant tout y était géré par les pétroleurs eux-même : estimer les dégâts, identifier les victimes (= paperasserie énnnorme on s'en doute) et procédure de défraiement (toujours pas finie pour l'Erika).
C'est un bon exemple de qq'1 qui ne baisse pas les bras, (et puis rassures-toi, après avoir traversé 2x l'Atlantique à la rame, et une autre fois naviguer un bon bout (arrêt pour cause de blessure) dans le Pacifique Sud, Jo a sûrement un suivi médical aussi pour éviter les coups de sang ;-) et c'est l'exemple d'une véritable action groupée, sans modèle antérieur.

Tu vas voir, c'est assez passionnant ! (... et c'est "pire" que ce que tu crois ;-) Je me suis abonné à la list alors je commence à comprendre. Je la cite : "Si les victimes ont le droit à la pollution, elles ont aussi le droit à l'information.
Il est évident qu'il est difficile d'agir en justice lorsqu'on est une association 1901 [cf. Keep it Blue (ndF)], c'est pourquoi avec quelques professionnels, nous avons créé un syndicat, le SPAMM, Syndicat pour l'Assainissement du Monde Maritime.
La première action de ce syndicat sera d'assigner l'Etat des Bahamas où le Prestige était immatriculé.
L'Etat du pavillon a la responsabilité de l'application des conventions internationales en matière de transport maritime.
Nous allons donc demander aux Bahamas les documents que ce pays détient à propos du Prestige.
Nous allons essayer de déterminer si l'Etat des Bahamas a rempli le rôle qui était le sien, s'il a bien veillé à l'application des règlements internationaux, s'il exerce un quelconque contrôle sur les certificats établis par l'American Bureau of Shipping et par le Bureau Véritas qui sont ses mandataires."

Résultat des courses : le Bureau Véritas a été condamné à remettre les documents au Conseil Général de Vendée qui s'était joint à leur procédure, et les Bahamas ont retiré leur plainte pour diffamation contre Jo (& Co) !

C'est bien, mais la partie n'est pas encore jouée : le but 1er est tout de même d'éviter une pollution d'un an ou plus, été(s) compris (la cata pour le tourisme). Sans parler des effets toxiques sur les règnes humain, animal, végétal et minéral (en faisant donc abstraction des Elfes et autres Korrigans, qui sont des croyances en une *réalité virtuelle* tout aussi volatile que celles vouées au CAC40 (mais plus anciennes ... et plus durables ? (ex: en cas de panne d'électricité un tant soit peu sérieuse : le fameux "black out" dans la S.F. (encore du virtuel ! Au moins les coups de gueules des fora, ça sonne authentique ! )
Le 2nd étant d'éviter, autant que faire se peut, que le(s) coupable(s) se débine(nt) ! (Pour faire court en simplifiant : c'est notamment le PDG (russe ?) condamné à 3 siècles (et des poussières) de prison aux USA ... qui aménage ses faillites, en fermant aussi son complexe chimique en France (800 salariés), laissant un site trop pollué pour servir à quoi que ce soit même pas pour faire pousser des radis ... Mais c'est une autre histoire ! (et là je suis très mal brieffé ... 'beg your pardon, je reviendrai quand j'aurai du nouveau, un jour ... sans crier gare ... à marée haute sûrement ...

Mais il faudrait que l'Occident lâche des trucs aux autres pays, comme il a commencé de le faire, mais plus franchement. Lâcher des secteurs d'activité presque entiers, d'autres au moins pour les marchés d'exportation. On confie à la Chine de plus en plus de petites ou moyennes voire grosses activités manufacturières. L'agriculture est en grande partie à lâcher aussi au moins pour l'export. Et comme le disait Sami Naïr dans son article de Libé, peut-être qu'il faut lâcher le pétrole, aussi, et que les pays occidentaux fassent ce qu'ils font bien la recherche de pointe pour rendre enfin rentables d'autres sources d'énergie, renouvelables.

Merci, mon pote ! Je sais que tu as tendance à limiter des interventions ici mais tu devrais te lâcher plus souvent, parce que là, tous tes mots ont du poids, décrivent bien le coeur du problème actuel. Ce sont des commentaires qui me font poursuivre la réflexion parce que toi aussi, là, tu dis explicitement des trucs qui sont dans les têtes pour l'instant plutôt sous forme de fantasmes. Merci pour le boeuf. Tiens, je reproduis le reste avant de poursuivre, c'est vraiment bien :

Louis : Au fait, vous voteriez pour quoi? --ben on aimerait que plus personne ne creve de faim, que tout le monde possede santé et confort, sans pour autant perdre le peu qu'on a, comme un ordi, de l'electricité, une piaule etc .... rien qu'au niveau d'un pays riche comme la france, ça parait injouable, alors au niveau planétaire, on va faire comment ???

Purée, ces questions sont posées vraiment clairement ! On est au coeur du problème. Et peu ou prou toutes les populations doivent en être au même point : on sent de plus en plus qu'il va falloir les affronter, ces questions-là, mais ouille que c'est rude, on aimerait bien bloquer, contourner, trouver autre chose...

On essaye encore de se faire croire qu'en changeant de système, ou en maîtrisant les "voyous de la finance", ou en traquant les plus riches des riches, ça suffira pour amorcer un rééquilibrage du niveau de vie sur la planète... mais on y croit de moins en moins. Entre-temps, il est tout de même tout à fait surréaliste de constater que les populations des pays riches (nous) prétendent bénéficier du maximum de suppléments de confort de vie possible (travailler moins, gagner plus, meilleurs systèmes éducatif ou de santé, etc.), au point de s'endetter collectivement chaque année avec constance (30 milliards d'euros de déficit annuel), et qu'elles croient en même temps qu'une telle attitude est compatible avec un rééquilibrage planétaire !

En réalité, le rééquilibrage planétaire obéira logiquement à un principe simple : celui des vases communicants. Je peux vous en parler, ma profession de traducteur est en première ligne des nouveaux mécanismes de mondialisation des activités qui commencent à être à l'oeuvre. Depuis plusieurs années, déjà, notre profession est un métier de service entièrement dématérialisé. Les textes qu'on nous demande de traduire sont maintenant presque toujours fournis sous forme de fichiers par Internet et c'est de la même façon que nous rendons le travail effectué. Même le paiement s'effectue de plus en plus de façon électronique.

Bref,la proximité géographique a beaucoup moins d'importance. En outre, les grandes langues comme le français ont diffusé pendant des siècles et la francophonie a ainsi fait de "beaux enfants" de par le monde, dans des pays de niveaux de vie variés. Les conditions d'une certaine mondialisation de l'activité sont réunies : les traductions d'une langue dans une autre -- la demande -- peuvent être commandées depuis n'importe quel pays, et le ou les traducteurs susceptibles de faire le travail -- l'offre -- peuvent aussi résider dans n'importe quel pays.

Il n'est donc pas trop étonnant que des places de marché électroniques de traduction aient vu le jour sur Internet depuis déjà quelques années déjà. Le mouvement prend en ce moment plus d'ampleur. En France, le marché est un peu tendu. C'est par manque de travail que je suis allé voir ces sites Web de trad. Sur http://www.proz.com/">"ProZ", la place de marché la plus fréquentée, il y a 10 à 15 appels d'offres chaque jour pour des traductions dans mes langues Français+Anglais. Nous sommes des dizaines de traducteurs à y répondre et les prix offerts sont souvent très bas. En gros, le prix moyen en France est de 0,12 euro par mot, sur "ProZ", ça tourne souvent autour de 0,08, 0,07, 0,06, et on commence même à voir des 0,04, 0,03 !

Les débats font parfois rages dans les forums sur les différences de tarifs, mais je lisais encore cet après-midi une traductrice roumaine qui écrivait, "mais les mecs, vous ne vous rendez pas compte, 0,03 euro/mot, c'est Byzance pour nous ; moi, depuis que je passe par "ProZ", je gagne plus qu'un programmeur, un des boulots les mieux payés en Roumanie" !

Bon, cela dit, c'est une activité où il y a tout de même toujours différents niveaux de service requis selon l'utilisation, différents niveaux de qualité ou de compétence qui peuvent se faire payer différents tarifs. En outre, la traduction a évidemment le vent en poupe, avec la multiplication des contacts internationaux, les besoins ne font que croître en volume. Les traducteurs occidentaux doivent pouvoir encore s'en tirer -- enfin, ceux qui se démènent, qui se bougent le cul.