La recherche d'une identité, ce n'est pas de la politique, ça fait plutôt partie de la quête personnelle de chacun, mais c'est ce qui justifie souvent les positionnements à gauche (plus souvent) ou à droite. Se dire "de gauche", ça permet sans fanfaronner de faire passer le message "je suis généreux, je n'agis pas uniquement par égoïsme, je me soucie des autres, moi" ; mais le message n'est pas nécessairement juste, ça peut être un voeu pieux.

Je ne sais pas si tu te souviens, mais j'avais tenté il y a 7 mois de définir politiquement les concepts de "droite" et "gauche". Je me permets de reproduire mes propos de l'époque:

+++ [...] A la base, la pensée dite de gauche estime que, dans la vie, les chances sont inégalement distribuées (naissance, milieu, accidents) et qu'il est important de s'attacher à compenser ces effets ; cette pensée est animée par un plus grand souci de l'autre, théoriquement de tous les autres. Toujours à la base, la pensée dite de droite pose que si tout le monde n'a évidemment pas les mêmes qualités, chacun a des atouts, d'une sorte ou d'une autre, chacun à sa chance ; cette pensée prône donc le plus de liberté possible pour que chacun puisse développer ses atouts et met plus l'accent sur la responsabilité individuelle dans ce processus.

+++ Quant à moi, je pose que nous sommes depuis 20 ans dans une période de convergence de ces idéologies et qu'il apparaît (mais souvent confusément) à bon nombre d'entre nous qu'il est intéressant, à notre époque, de tenter une synthèse de ces valeurs de gauche et de droite, c'est-à-dire qui promeuve à la fois le souci poussé de l'autre et l'encouragement à développer la responsabilité et les atouts individuels.

Je n'en retire rien quelques mois plus tard. Je peux faire remarquer ce qui était implicite dans mes propos : s'il peut y avoir convergence, c'est que les deux idéologies ont chacune leur intérêt, leur valeur. Ce sont deux options différentes, mais qui ne s'opposent pas nécessairement, qui peuvent vraisemblablement se combiner à l'avenir. A mes yeux, ça montre bien que quand on en vient à s'invectiver ou à se taper sur la gueule à gauche contre droite, ce sont des histoires d'identité, pas de politique.

Tu évoques mon positionnement. Je vote depuis 1974 (il fallait avoir 21 ans à l'époque) et j'ai toujours voté PS sauf une fois Cohn-Bendit aux Européennes (j'exclus les municipales du lot, dans un petit bled c'est plus une affaire de personnes que de parti politique). Le 21 avril dernier, j'ai voté Jospin, le candidat du PS. Difficile de me dire de droite, non ? Eh bien pourtant, ça fait effectivement quelque temps que je ne me dis plus "de gauche". En fait, je crois bien que c'est depuis les 21 avril / 5 mai.

Je précise bien que je ne dis pas ça pour toi, parce qu'apparemment tu fais un peu la même analyse, toi aussi, d'après ce que tu nous dis, ça te paraît un peu trop boutiquier/magouilleur dans la pratique, comme système.

Mais ce que je n'aime pas trop, c'est que c'est vraiment à l'image de bon nombre des secteurs en France : la plus grande part de l'énergie est consacrée à la conservation des avantages. Ca n'a rien de mal en soi, au contraire, mais à ce point-là, c'est du délire, ça bloque le progrès, c'est... réactionnaire.

C'est le problème de l'assistanat, aussi, on finit par ne plus pouvoir en décrocher et par exiger comme un dû ce qui n'en était pas obligatoirement un. Moi, quand j'ai été licencié de la boîte que j'avais cofondée, il y a 14 ans, j'ai décidé de me mettre à mon compte, et une de mes motivations, c'était l'émancipation, couper un peu du cordon ombilical, peser moins sur la communauté nationale, m'obliger à me démerder sans les filets de sécurité du salariat, des ASSEDIC, etc.

Je ne veux pas dire que cet esprit volontariste se perd, je crois qu'il perdure ou même conquiert du terrain, mais parallèlement la demande appuyée d'assistanat explose ! Moi, comme d'autres ici, ça fait longtemps, longtemps que j'aimerais bien consacrer l'essentiel de mon temps à faire avancer ma musique, mais comme on le sait tous, c'est dur de faire ça et de mener une vie professionnelle stable, une vie de famille, etc. Est-ce que c'est un dû, pour moi, de pouvoir me consacrer à "mon art" ? Mais qui me le devrait ? En vertu de quoi ? Et si je dois être subventionné en attendant que mon activité musicale s'autofinance, qui doit payer pour ça ?

Comme d'hab, je suggère de choisir le juste milieu : oui, c'est bien d'avoir un système qui permette de subventionner la pratique musicale de ceux qui prennent le risque d'en faire leur activité principale ; non, ce n'est pas un dû, les modalités peuvent en être modifiées. Et quand les modalités en sont modifiées, à notre époque, ce n'est plus "par le fait du Prince", injuste, mais bien par l'expression du corps social dans son ensemble, dont les hommes politiques constituent désormais des relais, des représentants plus fidèles que par le passé.