Scalp, ne raconte pas de bêtises, à Massy c'est un hôpital privé et il y a un service d'urgence qui ne m'a jamais refusé, 24h/24 et je vis dans cette putain de cité depuis... 1972. Ils prennent même la carte vitale et dans certains services (comme le Laboratoire) avec ta carte vitale et ta carte de mutuel t'as même pas besoin de sortir de pognon.
Je raisonne d'un point de vue comptable car lorsque tu vois ce que l'on débourse au cours d'une vie à l'Etat, je pense que ça vaut la peine d'en parler en comptable. Sinon pourquoi vous laisser le privilège de critiquer les salaires de nos députés que vous trouvez mirobolants et pas la gestion désastreuse de la Sécurité Sociale qui en vient à soigner même les étrangers en situation irrégulière pour des maladies graves. Certains débarquent d'ailleurs en France même pas pour faire les irréguliers, juste pour se faire soigner de leur cancer ou sida parce que c'est gratuit. Je ne dis pas qu'il faut les laisser crever, ces gens-là, je dis que c'est à d'autres institutions humanitaires, ONG, etc... de prendre cela en charge... et pas à notre système qui est simplement en train de couler.
Et puis je veux payer ce pour quoi je veux être soigné. Je le répète, personnellement, mis à part le rhume annuel, la petite chiasse de 24h00 aux changements de saison, je ne suis jamais malade. Je veux dire gravement. Si la protection sociale était privatisée et personnalisée je pourrais prendre un contrat juste pour les opérations en cas de maladie grave ou en cas d'accident. Le reste du temps je me soignerai tout seul, c'est pas 10 jours d'antibiotiques achetés par mes propres moyens qui va me ruiner. Et puis avec le temps et avec l'âge je pourrais faire évoluer mon contrat. Je pourrais même changer de société de protection car celle-ci étant ouverte à la concurrence j'irais chercher le contrat qui me convient le mieux dans le rapport qualité prix.
Il n'y avait pas de "solidarité" sous l'Ancien Régime, hein, mettons du temps de Louis XIV. Et pourtant, contrairement à l'image républicaine comme quoi les indigents étaient abandonnés à eux-mêmes et crevaient la gueule ouverte, l'Etat donnait 15 à 20% des contenus de ses caisses à l'Eglise. C'était, il faut le savoir, énorme. Et que faisait l'Eglise avec ce fric ? Outre l'éducation (et La Sorbonne par exemple était de réputation européenne dés le Moyen-Âge), elle s'occupait des hôpitaux, de la soupe aux plus pauvres et soignait absolument tout le monde sans distinction. Et ça fonctionnait parfaitement. Pourquoi je te raconte ça. Et bien pour dire que ce type d'action (aide, éducation, soins, etc...) au bénéfice des plus démunis, cela ne peut fonctionner que par la dévotion personnelle, la générosité individuelle, le don de soi. Choses que savaient très bien faire les frères et soeurs des églises, n'est-ce pas ? Mais aujourd'hui, par exemple, Michel Onfray a créé une Université Populaire (alors qu'il est blindé aux as, selon ses propres termes et n'ayant pas besoin de se gaver de fric... en ayant assez pour vivre confortablement) ou il dispense un enseignement philosophique qui, non content d'aller en dehors des chemins battus, avec quelques uns de ses collègues et amis philosophes; est TOTALEMENT GRATUIT POUR CEUX QUI VEULENT APPRENDRE ET FAIRE L'EFFORT DE TENDRE VERS LE HAUT. C'est un exemple. Mais c'est un exemple qui peut fonctionner absolument en tout domaine social.
Tout bouge au cours d'une vie, Scalp... je gagnais 5000 francs il y a 20 ans. J'en gagne 10 000 aujourd'hui. Tu manipule les chiffres que j'ai fournis qui ne sont donnés qu'à titre indicatif et afin de démontrer ce qui se doit d'être démontré. Et tes arguments sont avant tout basés sur des principes idéologiques, j'insiste, IDEOLOGIQUES. Comme la solidarité, toussa, toussa... alors que le Libéralisme n'est pas une idéologie, c'est uniquement un Principe.
Un salaire qui évolue... des comptes de mutuelles ou d'assurances qui se concurrencent... tout cela autorise, chez une personne doté de libre arbitre et RESPONSABLE de prendre les dispositions qu'il faut afin de préserver son pécule et le faire fructifier.
A propos de la confrontation "Socialisme/Libéralisme" et du fait que le Libéralisme N'EST PAS UNE IDEOLOGIE, il faut lire impérativement ce texte remarquable de http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-François_Revel">Jean-François REVEL qui ne manque pas de piquant... ===>>>
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Ne pas se laisser embrigader
Un malentendu fausse quasiment toutes les discussions sur les mérites respectifs du socialisme et du libéralisme : les socialistes se figurent que le libéralisme est une idéologie. […] Les
libéraux se sont laissé inculquer cette vision grossièrement erronée d’eux-mêmes. Les socialistes, élevés dans l’idéologie, ne peuvent concevoir qu’il existe d’autres formes d’activité
intellectuelle.
Ils débusquent partout cette systématisation abstraite et moralisatrice qui les habite et les soutient. Ils croient que toutes les doctrines qui les critiquent copient la leur en se bornant à
l’inverser et qu’elles promettent, comme la leur, la perfection absolue, mais simplement par des voies différentes.
Si, par exemple, un libéral dit à un socialiste : " A l’usage, le marché semble être un moins mauvais moyen d’allocation des ressources que la répartition autoritaire et planifiée
", le socialiste répond aussitôt : " Le marché ne résout pas tous les problèmes ". Certes ! Qui a jamais soutenu pareille ânerie ? Mais, comme le socialisme, lui, a
été conçu dans l’illusion de résoudre tous les problèmes, ses partisans prêtent à leurs contradicteurs la même prétention. Or tout le monde n’est pas mégalomane, heureusement. Le libéralisme n’a
jamais eu l’ambition de bâtir une société parfaite. Il se contente de comparer les diverses sociétés qui existent ou ont existé et de retenir les leçons à tirer de l’étude de celles qui
fonctionnent ou ont fonctionné le moins mal. Pourtant, de nombreux libéraux, hypnotisés par l’impérialisme moral des socialistes, acceptent la discussion sur le même terrain qu’eux. " Je
crois à la loi du marché, mais elle ne suffit pas " déclare l’économiste américain Jeremy Rifkin . " Le marché libre ne peut tout résoudre ", renchérit le spéculateur George Soros.
Ces piètres truismes émanent d’un système de pensée figé, selon lequel le libéralisme serait une théorie opposée au socialisme par ses thèses mais identique par ses mécanismes.
Or, il n’est ni l’un ni l’autre. Le libéralisme n’a jamais été une idéologie, j’entends n’est pas une théorie se fondant sur des concepts antérieurs à toute expérience, ni un dogme
invariable et indépendant du cours des choses ou des résultats de l’action. Ce n’est qu’un ensemble d’observations, portant sur des faits qui se sont déjà produits. Les idées
générales qui en découlent constituent non pas une doctrine globale et définitive, aspirant à devenir le moule de la totalité du réel, mais une série d’hypothèses interprétatives concernant des
événements qui se sont effectivement déroulés. Adam Smith, en entreprenant d’écrire La Richesse des nations, constate que certains pays sont plus riches que d’autres. Il s’efforce de
repérer, dans leur économie, les traits et les méthodes qui peuvent expliquer cet enrichissement supérieur, pour tenter d’en extraire des indications recommandables. Il procède ainsi comme Kant
qui, dans la Critique de la raison pure, dit à ses confrères philosophes : depuis plus de deux mille ans, nous tentons d’élaborer des théories du réel valables pour l’éternité. Elles sont
régulièrement rejetées dès la génération suivante faute de démonstration irréfutable. Or, depuis un siècle et demi, nous avons sous les yeux une discipline récente, qui est enfin parvenue avec
certitude à établir quelques lois de la nature : c’est la physique. Au lieu de nous obstiner dans notre stérile dogmatisme métaphysique, observons donc plutôt comment s’y sont pris les
physiciens pour réussir et inspirons-nous de leurs méthodes pour tâcher d’égaler leurs succès.
Il faut donc refuser l’affrontement entre socialisme et libéralisme comme étant l’affrontement de deux idéologies. Qu’est-ce qu’une idéologie ? C’est une construction a priori,
élaborée en amont et au mépris des faits et des droits, c’est le contraire à la fois de la science et de la philosophie, de la religion et de la morale. L’idéologie n’est ni la science, pour
laquelle elle a voulu se faire passer ; ni la morale, dont elle a cru détenir les clefs et pouvoir s’arroger le monopole, tout en s’acharnant à en détruire la source et la condition :
le libre arbitre individuel ; ni la religion, à laquelle on l’a souvent et à tort comparée. La religion tire sa signification de la foi en la
transcendance, et l’idéologie prétend rendre parfait ce monde-ci. La science accepte, je dirai même provoque, les décisions de l’expérience, et l’idéologie les a toujours refusées. La morale
repose sur le respect de la personne humaine, et l’idéologie n’a jamais régné que pour la briser. Cette funeste invention de la face noire de notre esprit, qui a tant coûté à l’humanité, engendre
en outre, chez ses adeptes, ce curieux travers qui consiste à prêter à autrui leur propre forme d’organisation mentale. L’idéologie ne peut pas concevoir qu’on lui oppose une objection si ce
n’est au nom d’une autre idéologie.
Or toute idéologie est un égarement. Il ne peut pas y avoir d’idéologie juste. Toute idéologie est intrinsèquement fausse, de par ses causes, ses motivations et ses fins, qui sont de
réaliser une adaptation fictive du sujet humain à lui-même – à ce " lui-même ", du moins, qui a décidé de ne plus accepter la réalité, ni comme source d’information ni comme juge du bien-fondé de
l’action.
C’est donc un non-sens, quand une idéologie est morte, de se dire qu’il faut de toute urgence la remplacer par une autre. Remplacer une aberration par une aberration, c’est de nouveau céder au
mirage. Peu importe alors quel mirage se substitue au précédent, car ce n’est pas le contenu d’une illusion qui compte, c’est l’illusion même.
Le libéralisme n’est pas le socialisme à l’envers, n’est pas un totalitarisme idéologique régi par des lois intellectuelles identiques à celles qu’il critique. Cette méprise rend absurde le
dialogue entre socialistes et libéraux. […] je n’ai jamais lutté contre le communisme au nom du libéralisme, ou seulement au nom du libéralisme. J’ai lutté contre le communisme avant tout
au nom de la dignité humaine et du droit à la vie. Que la faillite permanente et ridicule des économies administrées ne fût pas sans apporter quelques arguments aux
économistes libéraux – encore que bien des socialistes le nient encore aujourd’hui farouchement – c’était incontestable, mais ce n’était pas l’essentiel. Quand on se trouve devant une prison
doublée d’un asile de fous et d’une association de meurtriers, on ne se demande pas s’il faut les détruire au nom du libéralisme, de la social-démocratie, de la " troisième voie ", du "
socialisme de marché ", ou de l’anarcho-capitalisme. De telles arguties sont même indécentes, et le débat sur le libéralisme ou social-étatisme ne peut renaître légitimement que dans une société
rendue à la liberté. J’ai combattu le communisme mû par la même " obsession " qui m’avait jadis fait combattre le nazisme : l’ " idée fixe ", "
viscérale " du respect de la personne humaine. Pas pour savoir qui a raison de Margaret Thatcher ou de Jacques Delors, d’Alain Madelin ou de Lionel Jospin, de Reagan ou de Palme.
Cette deuxième question suppose le rétablissement d’une civilisation de la liberté.
Les socialistes contemporains, totalitaires light, au moins dans leurs structures mentales et verbales, s’égarent donc lorsqu’ils imaginent que les libéraux projettent, comme eux-mêmes,
d’élaborer une société parfaite et définitive, la meilleure possible, mais de signe opposé à la leur. Là gît le contresens du débat postcommuniste. Ce n’est pas la peine d’applaudir Edgar Morin
lorsqu’il recommande la " pensée complexe " contre la " pensée simpliste " si c’est pour ensuite renforcer le simplisme hors de toute mesure.
Articulons, dans un parallèle pédagogique, le constat suivant : " la liberté culturelle est plus propice à la création littéraire, plastique et musicale que le dirigisme étatique
". Cet énoncé empirique, étayé par une vaste expérience passée et présente, ne signifie pas et ne comporte pas l’engagement que toutes les productions nées dans les conditions de la
liberté (ou, au sein de régimes totalitaires, dans les conditions de la dissidence) ont été, sont ou seront toujours des chefs-d’œuvre. Or, c’est ce que comprend le socialiste ! Il citera
aussitôt des milliers de livres, de tableaux, de pièces et de films médiocres ou nuls, éclos dans le contexte de la liberté. Il s’écriera : " Vous voyez bien que le libéralisme ne marche
pas ! " En d’autres termes, il prête au libéralisme son propre totalitarisme. Se croyant, lui, propriétaire d’un système qui résout tous les problèmes, y compris celui de la beauté, il
croit suffisant de supprimer le marché pour supprimer la laideur. Le totalitarisme culturel n’a, pour sa part, jamais produit autre chose que de la laideur. Ce fait ne le gêne aucunement.
L’étatisme n’a-t-il pas, du même coup, tué dans l’œuf les déchets de l’art capitaliste ? Qu’il ait, en se mêlant de le diriger, anéanti l’art même n’était-il pas le prix à payer pour cet
assainissement ?
Bien entendu, et qu’on veuille bien me faire la grâce de penser que je ne l’ignore pas, il y a eu de tout temps des artistes que le marché à lui seul ne pouvait faire vivre et qui ont été
pensionnés par des princes, subventionnés par des républiques ou aidés par des mécènes privés. Mais il y en a eu aussi d’immenses que leur succès auprès du public suffisait à nourrir, voire à
enrichir. Cependant ne perdons pas de vue non plus que ni le marché ni la subvention ne garantissent le talent, ni, au demeurant, son absence. Le marché peut faire pleuvoir la fortune sur Carolus
Durand comme sur Picasso. La subvention étatique peut aussi bien procurer la sécurité nécessaire à un vrai génie que l’argent facile à un faux créateur, dont les principaux mérites sont l’amitié
du ministre, le copinage politique et le culot dans les relations publiques . Décréter que le marché est en soi réactionnaire et la subvention en soi progressiste relève donc de la pensée non
seulement simpliste, mais intéressée, celle des virtuoses du parasitisme de l’argent public.
Lors de la visite du pape Jean Paul II en Pologne, au mois de juin 1999, j’ai entendu un journaliste radio de France-Info " informer " ses auditeurs en disant, en
substance : le pape sait que le retour des Polonais au capitalisme leur a apporté une certaine prospérité, mais au détriment de la justice sociale. Ce qui sous-entend donc que le communisme
leur avait apporté la justice sociale. De nombreuses études ont montré quelle hypocrisie se cachait derrière ce mythe. Le capitalisme n’apporte certes pas
l’égalité, mais le communisme encore moins, et, lui, sur fond de pauvreté généralisée. Mais voilà, une fois de plus, on le juge sur ce qu’il était censé apporter et le capitalisme
sur ce qu’il apporte effectivement. Même pas, à vrai dire. Car, si on le faisait, on constaterait […] qu’en 1989, dernière année du communisme, un chômeur indemnisé à l’Ouest touchait entre cinq
et dix fois plus, en pouvoir d’achat réel, qu’un ouvrier pourvu d’un prétendu " emploi " à l’Est . Autrement dit, ce sont les sociétés du capitalisme démocratique qui ont mis en place les
systèmes de protection sociale les plus correcteurs des inégalités et des accidents de la vie économique . Mais ce constat est rejeté lorsque l’on persiste à comparer la perfection de ce qui
n’existe pas – l’utopie communiste – avec les imperfections de ce qui existe – le capitalisme démocratique.
Cette partie de boxe entre socialisme et libéralisme est d’autant plus truquée qu’y domine la confusion entre libéralisme politique et économique, économie de marché et capitalisme,
laissez-faire et " jungle " sans loi. Il est désolant, par exemple, qu’un prix Nobel d’Economie, Maurice Allais, commette lui aussi la faute d’orthographe laisser-faire, à l’infinitif,
en tonnant contre les " perversions laisser-fairistes ". Chacun sait ou devrait savoir que les célèbres " laissez faire, laissez passer " de Turgot et des physiocrates sont
synonymes de liberté d’entreprendre et de liberté du commerce. Ce sont des impératifs à connotation d’activité, sans rapport avec l’incurie apathique des infinitifs substantivés,
liés par un trait d’union, le " laisser-faire ", bientôt dégradé en " laisser-aller ". C’est, dit-on, un marchand, François Legendre (ou Le Gendre), qui, le premier, à Colbert qui lui demandait
comment le gouvernement du roi pouvait aider le commerce, répondit : "Laissez-nous faire". Il peut très bien y avoir, en effet, un capitalisme sans marché. Le privé
sans le marché, le privé protégé de la concurrence par un pouvoir politique complice et rétribué, c’est même le rêve de beaucoup de capitalistes. Ce fut le système pratiqué pendant des décennies
en Amérique latine, admirablement organisé pour servir les intérêts d’une oligarchie. C’est pourquoi, lorsque le " sous-commandant Marcos ", dans le Chiapas, bombe le torse en se nommant
" chef de la lutte mondiale contre le néolibéralisme ", il sert en réalité le capitalisme privé sans marché, le capitalisme associé au monopole politique du parti révolutionnaire
institutionnel qui, pendant quarante ans, au nom du socialisme, a entretenu la pauvreté du peuple mexicain au profit d’une oligarchie.
Le capitalisme antilibéral resta longtemps aussi la spécialité du Japon et, nul ne l’ignore, de la France. En France, les ennemis du libéralisme se côtoient dans un pot-pourri où se
retrouvent communistes, trotskistes, extrémistes de droite du Front national, avec une proportion de certains socialistes et une autre de certains gaullistes, beaucoup de néo-keynésiens, de
protectionnistes et subventionnistes culturels, de privilégiés du secteur public, tous unis pour des motifs hétéroclites dans une arlequinade idéologique disparate et, surtout,
intéressée.
Pendant plus d’un demi-siècle, le capitalisme français a été et il demeure de nos jours pour une large part un capitalisme fermé, un double mimétique du pouvoir politique. Toutes les opérations
de fusion entre sociétés privées, ou soi-disant telles, tous les contrats intéressant les entreprises publiques et privées ne se décidaient en France qu’après consultation et approbation du
gouvernement et, en bien des cas, du président de la République en personne. Cette tradition du capitalisme fermé était commune à la droite et à la gauche. Les deux la justifiaient par la
nécessité de défendre l’indépendance nationale et la solidarité sociale. Droite et gauche promulguèrent des lois sociales et augmentèrent la charge fiscale. Une des dernières augmentations
massives des impôts est due au gouvernement Juppé. Comme le dit Nicolas Baverez , elle porta en 1995 à notre économie un coup aussi dur que l’avait été le premier choc pétrolier, en 1973.
[…] Pas plus que la gauche la droite n’a le moins du monde succombé en France à " l’illusion libérale", si tant est qu’il y ait illusion. S’il y en a une, en revanche, l’Union européenne y cède,
elle, sans retour. Car c’est l’Europe seule, en définitive, qui nous entraîne vers le libéralisme et qui a forcé la France à sortir avec lenteur mais
inexorablement de notre vieille ornière " social-étatiste ", selon l’expression de Guy Sorman . Ce qui est rejeté, en ce moment, dans les actes sinon dans tous les esprits, c’est
bien plutôt l’illusion étatiste commune à presque tous les partis politiques en France.
Cela est fort bien analysé par Jacques Lesourne . Ancien directeur du journal Le Monde et président de l’association Futuribles, fondée par Bertrand de Jouvenel (l’illustre auteur de Vers
l’économie dirigée), Lesourne est un économiste et un sociologue qui peut difficilement se définir comme un ultralibéral assoiffé de sang.
Avec un brin de provocation, et je dirai, pour ma part, de simplification, il soutient que, de la Libération aux années 1975-1980 environ, la France a été, sur le plan économique, ce
qu’il appelle une Union soviétique qui a réussi. Cette réussite s’est faite, dit-il, autour de l’Etat, sous forme d’un compromis entre marxistes et chrétiens-sociaux. Elle s’est
caractérisée par un vaste secteur public, le contrôle des prix, des salaires, des changes et de la circulation des capitaux, par l’encadrement du crédit et la réglementation du marché du travail.
Ce modèle a coïncidé avec ces années qu’on appelle parfois les " Trente glorieuses ". Malgré les gigantesques erreurs commises, il a tenu, grâce à l’efficacité de l’administration française et à
une marge d’initiative appréciable laissée aux entreprises privées. Aujourd’hui, dit Lesourne, ce modèle est hors d’usage, brisé, périmé. Pourquoi ? Parce qu’il est incapable de s’adapter
aux deux grandes nouveautés de l’avenir : la mondialisation et la société d’information. L’événement historique auquel nous assistons en ce moment, c’est l’agonie du soviétisme à la
française.
Lorsque le Secrétaire national du Parti communiste français, M. Robert Hue, souhaite que le gouvernement de la gauche dite " plurielle ", où figurent des ministres communistes, se dégage de
" l’emprise libérale ", il anticipe audacieusement. S’il y a emprise, elle est encore étatique. Mais M. Hue exprime aussi des craintes fondées, de son point de vue, car l’érosion du
soviétisme à la française, malgré les solides bastions de privilèges où il trouve encore refuge, a entamé un cours désormais irréversible.
L’économie de marché, fondée sur la liberté d’entreprendre et le capitalisme démocratique, un capitalisme privé, dissocié du pouvoir politique mais associé à l’Etat de droit, cette
économie-là seule peut se réclamer du libéralisme. Et c’est celle qui est en train de se mettre en place dans le monde, souvent à l’insu même des hommes qui la consolident et
l’élargissent chaque jour. Ce n’est pas que ce soit la meilleure ni la pire. C’est qu’il n’y en a pas d’autre – sinon dans l’imagination. C’est ce que voulait dire Francis Fukuyama dans sa Fin de
l’Histoire en 1989. Il décrivait le " point final de l’évolution idéologique de l’humanité et l’universalisation de la démocratisation libérale occidentale
comme forme finale du gouvernement humain ". C’est parce que son livre exprimait une vérité à la fois évidente et scandaleuse qu’il fut dans l’instant un succès mondial et par la
suite un objet d’opprobre, dès que les fidèles de l’idéologie défunte se furent ressaisis. Car nul besoin qu’existe encore le choix possible d’un monde totalitaire en état de fonctionnement pour
que ceux qui haïssent la liberté la combattent et cherchent à l’éliminer. Même une fois le monde totalitaire englouti, même lorsque ses partisans n’étreignent plus que le vide, ils
continuent de vouloir détruire la liberté comme si son contraire constituait toujours une perspective plausible et un programme réalisable.
[…]
Alain Touraine, dans un livre lucide, paru au début de 1999, a bien cerné le contresens ou l’hallucination par lesquels on fustige comme étant du libéralisme ce qui
en est le contraire. Dénonçant en particulier les contradictions de la gauche française, il avoue ne " voir vraiment pas comment la défense des statuts protégés ou de l’Etat en tant qu’acteur
économique peut améliorer la situation des chômeurs ou aider à la création de nouveaux emplois ". La défense des statuts protégés, et, disons-le clairement, le renforcement des privilèges
sont devenus les principales causes de ce que la gauche ose encore appeler des mouvements sociaux, alors qu’ils sont antisociaux. Touraine discerne avec perspicacité la duplicité
de leurs acteurs et la naïveté de leurs victimes. " Ceux, déplore-t-il, qui voient dans l’appui massif de l’opinion publique à la grève [des services publics] de décembre 1995 le signe du
renouveau des luttes de classes ou même de la combativité syndicale, prennent leurs désirs pour des réalités ". L’auteur suit ici le sage conseil de Karl Marx (rarement ou jamais suivi par
les marxistes), à savoir de ne pas confondre la réalité avec l’idée que s’en font ou que veulent en donner les acteurs sociaux. Touraine raille donc les obnubilés qui qualifient d’ultra-libéral
le modèle économique français. " N’est-il pas ridicule, écrit-il, d’entendre parler de libéralisme extrême dans un pays où l’Etat gère la moitié des
ressources du pays, soit directement, soit à travers les systèmes de protection sociale, soit encore en intervenant dans la vie économique ? ".
Malheureusement une regrettable erreur typographique des services de fabrication de l’éditeur, cependant un des meilleurs de la place, a conduit à faire figurer sur la couverture de ce livre un
titre manifestement destiné à un autre : Comment sortir du libéralisme ? Il ressort en
effet de façon éclatante du contexte que les trois quart au moins des pays de la planète, et notamment la France, ne sont même pas entrés dans le libéralisme. Comment
pourraient-ils en sortir ? Nous sommes, dit notre auteur, dans " l’étatisme le plus extrême " (p.111), " en particulier en 1995, quand la défense du secteur
public fut élevée à la hauteur d’un devoir démocratique pour résister aux attaques d’une société civile (et surtout d’une économie) gouvernée, affirmait-on, par la seule recherche de l’intérêt
particulier. Quelle image grotesque ! " On croirait lire du Frédéric Bastiat. Comme celui-ci, et dans la grande tradition libérale française, Touraine nous amène à penser que l’Etat est
la source même des injustices et des privilèges plutôt que l’instrument permettant de les combattre. De tels passages achèvent de rendre odieux l’inexplicable mastic du titre. Ce mauvais tour
joué à un si éminent sociologue français me révolte. L’a-t-on abusé ? Drogué ? Peut-être même torturé ? A-t-il cédé à des menaces ? A-t-il eu peur ? De quoi et de
qui ? Ayant toujours entretenu avec Alain Touraine des relations fort cordiales, je me propose de fonder une association pour la défense de ses droits individuels et de sa liberté
d’expression. Les " résistants " antilibéraux sont en effet capables du pire pour écarter le danger de la pensée unique. Un Nicaraguayen n’est-il pas allé jusqu’à " étrangler sa femme parce
qu’elle avait des sympathies pour les libéraux " ?
Jean-François Revel, "La Grande Parade"