C'est drôle que tu mettes "Come en guise de présentation. Comme je l'expliquais à ton acolyte Jean-Jean, avec qui je suis pas mal en contact en ce moment pour des raisons que tu devines , ça a été à la fois long et très rapide de me familiariser avec Prince. J'ai entendu parler de lui pour la première fois dans la biographie d'Eric Clapton, écrite par le bluesman Patrick Verbeke. La sortie de Purple Rain est relatée, transcrivant visiblement fidèlement l'ambiance du moment et l'admiration sans bornes de l'interlocteur de Clapton (Ray Vaughan? Je ne sais plus...) lui disant "il faut absolument que tu écoutes ce type, c'est incroyable!". Du coup, j'ai suivi les conseils. En rentrant des vendanges, où j'avais lu ce passage, j'ai acheté Purple Rain à l'occasion d'une sortie avec mon père. J'ai été fasciné par le premier morceau, Let's go crazy (Purple Rain aussi bien sur). Rien que le titre est trop puissant : devenons cinglés! Mais j'étais jeune, et le son d'alors, avec toutes ces boites a rythmes, reverb etc. c'était vraiment vieillot, et je n'ai pas trop été sensible au reste, sauf Take me with U que j'ai toujours adoré... Ca m'a demandé de l'éducation, de la patience. Et justement, c'est en écoutant Come, très peu de temps après, que j'ai compris que c'était ça que je cherchais! Et puis, tout ces trucs, je ne connaissais rien de comparable. Tu faisais référence à Tambourine, mais dans Come justement, on entend des bruits suspects de léchage/suçage avec cette voix si sexy qu'on lui connait suggérant "Can I fuck you baby? Can I suck you baby?". Et puis, il y a le dernier titre de l'album, Orgasm, qui est une superposition de bruitage de baise et de distortions de guitare. Donc, si tu veux, j'avais 14 ou 15 ans, et c'etait une bonne époque pour la branlette aussi . Et puis, l'appréhension du son 80's, ça s'est fait avec le temps, comme pour le jazz. Je me suis interessé au jazz à la même époque, où je dévorais les biographies et autobiographies d'artistes. Et j'avais quelques rock stars qui adoraient ça. Alors je me disais : comment ce truc de grand mère peut fasciner autant de génies? Il doit bien y avoir quelque chose... J'ai eu quelques albums phares immédiatement, Kind of Blue, et In a silent way, mais pour le reste, je me forçais preque. Et puis, à un moment donné (le bon moment on va dire), ça m'a donné beaucoup de plaisir physique, et c'est devenu un style naturel pour moi. Il fallait juste donner un peu de temps au temps . Le but, c'est d'arriver à kiffer tout ce qui est bon, sans préoccupation nombriliste d'identité, d'appartenance à un groupe, ou tout ces trucs castrants et merdiques si on ne sait pas les appréhender. Bref, le but c'est d'être libre. Et Prince est le mec plus libéré que je connaisse. A tout point de vue.

Ceux qui continuent à voir en Prince qu'un modeste concurrent de Michael Jackson se fourrent le doigt dans l'oeil jusqu'au coude, ils ont de la merde dans les oreilles ou alors refusent d'écouter avec attention la production princière pour se faire une idées digne de ce nom... Jackson était un très grand "entertainer", y'a pas photo... mais Prince est un Créateur, un vrai, un Géant incroyable.

Prenez, par exemple, cette chanson qui suit, "Lady Cab Driver", de l'album "1999" qui date de 1982, sur laquelle Prince joue de tous les instruments sans exception avec juste une aide féminine dans les voix, je vous passe les détails. Il a, alors, 24 ans et c'est déjà un monstre. Un Funk comme peu savaient en faire au début des années 80 tellement tout le monde avait tourné "Disco". Vraie Batterie, Basse slappée, chant, claviers et solo de guitare dévastateur ultra saturé sur la fin. Jackson n'aurait jamais été en mesure de faire une chanson pareille et d'en interpréter toutes les parties. N'en déplaise à ses fans.

Sur le même album, Prince ose expérimenter avec une chanson à fleur de peau, désespérée et lascive comme "Something in the water does not compute"... avec ses hurlements magnifiques sur la fin qui ont dû laisser Jackson sans voix...

Prince sait sonner Jazz et Crooner comme personne...

Ou chanter avec un sens de la provocation certain les joies de la masturbation... proclamant qu'il joue avec son tambourin...

Et cette chanson incroyable... d'une sensualité totale... "Come", où l'amant parle à son amante l'invitant à atteindre l'orgasme, ("Viens")... mais en même temps c'est le terme qu'utilisent les chrétiens pour appeler le retour du Christ... toujours à jouer avec les significations... Mais ce morceau est un exemple clair des influences que Prince a su assimiler et digérer avec une facilité déconcertante... ici, en l'occurrence, les orchestrations de cuivres dignes de Duke Ellington, et je n'exagère pas... et un solo de sax alto, à la fin, qui fait de méchant clins d'oeil à Coltrane avec une envolée orientale... et une basse obsessionnelle et répétitive... et les sons provocateurs de sa majesté Pourpre en train d'effectuer un cunilingus à sa douce !

Il sait, aussi, devenir méchamment électro, Prince...

Ou carrément Bluesy bizarre...

Ces choses il ne se les autorise plus depuis qu'il est devenu "Témoin de Jéhovah", mais elles sont là... ha ha ha... sur les disques et elles demeurent !

J'aurai bien voulu balancer plein de pépites de sa période "Love Symbol", mais elles ne sont pas sur Deezer, sorry... et comme il n'y a plus provisoirement de Juke Box ou de possibilité d'enregistrer des mp3 sur la page perso que le Boss nous fournit gratos... ça attendra.

Pour continuer sur Prince... Il y a une chose que je trouve fantastique chez lui, en dehors de la musique. Miles Davis avait remarqué cela : il a intégré Charlie Chaplin. Tu sais, j'ai vu récemment Le Dictateur, qui m'a d'ailleurs mit sur le cul... Et j'ai remarqué que Chaplin, sans forcément parler, maitrise à chaque moment chacun de ses gestes, il a une connaissance énorme de lui meme et de la perception. C'est exactement pareil pour Prince : il sait à chaque moment quelle image il donne exactement de lui, il a une très grande intelligence "inter-personnelle" (pardon ), et il joue énormement la dessus, sur la variation de ces intensités qui ne passe que par le corps. C'est le coté danseur ça. Ca m'impressionne beaucoup, cette dimension ou à la fois rien n'est laissé au hasard, et où pourtant tout est spontané lors de ses apparitions publiques, concert ou interview. D'ailleurs, puisqu'on parlait de Jéhovah, Slave etc., allez donc regarder cette conférence de presse qu'il a donné il y a quelques jours à l'hotel Costes, c'est un très bon moment! Là encore, il est très fort par sa maitrise de l'auditoire

. http://www.menstyle.fr/culture/musique/videos/091012-interview-prince-exclusif-hotel-cos.aspx">Prince à l'hotel Costes