Vous avez écouté le (les) dernier album de Prince? Je l'ai acheté à sa sortie, en admirateur indéfectible de son travail depuis son premier single, I wanna be your lover, jusqu'à aujourd'hui. A présent, on écrit à la fois beaucoup trop et beaucoup trop peu sur l'artiste. Entre l'obsessionnelle comparaison a Jackson et une mentalité blasée, j'ai du mal a comprendre l'appréhension actuelle de son travail par les "critiques". Pourtant je crois savoir que son dernier album, sorti il y a quelques mois, fait partie des meilleures ventes actuelles, propulsé par un single super groovy, "Dance 4 Me". Mais, au dela des chiffres, il convient de se pencher sur la matière. J'ai donc envie de me faire plaisir en décrivant mes impressions, et je profite de l'occasion pour vous mettre eventuellement la puce à l'oreille.

Lotusflow3r

il est étonnant de remarquer que peu de personnes aient comprit qu'il s'agissait là d'un "album concept", comme on dit (tout le monde utilise ce terme maintenant, pour tout et n'importe quoi). Tous les titres s'enchainent, le premier titre s'intitulant "From the Lotus", et se concluant par "Back from the Lotus".
Ce premier morceau est instrumental, rempli de bidouillages divers mais cohérents et bien sentis à la guitare et au sythné. Puis une ligne de basse groove vient assoir un rythme bien tellurique et une grille harmonique qui permet à la guitare de Prince de nous envouter tout en douceur et en subtilité, entre tessitures planantes et notes bleues, soutenues par un clavier inspiré et discret.

°0° Sans transition suit l'excellent Boom à l'introduction qui n'est pas sans rappeler certains morceaux d'Axis Bold As Love. Le chant de Prince est particulier, maitrisé et passant par tous les registres vocaux, sauf son sur-aïgu typique et parfois casse bonbon . La voix est trafiquée par ordinateur, comme le font les artistes de R'n'B ou de Raï (pas le joueur du PSG). Puis, le break se fait sur un rythme rock entrainant une première rafale guitaristique, le nouveau son de Stratocaster dont la recette a mit du temps à s'élaborer : fini les échos a n'en plus finir et la reverb oppressante (meme si j'aimais bien ). Le son est direct et agressif. Les solos retracent la synthèse dont Prince est un pur produit, ce fameux univers black and white. Ca envoie grave!

°0° Toujours sans transition, la reprise de Crimson and Clover. Sexy et entrainante, elle comprend une citation directe et voulue à Wild Thing. Prince, fait claquer sa bouche en rythme, souffle, crie un peu, pour donner ce petit quelque chose qui fait toute la différence. Son solo est très bon, et enregistré en stéréo (à écouter au casque donc).

°0° Vient ensuite la balade "4ever", dans un registre classique pour Prince. Le son est très travaillé, on y entend plusieurs guitares, du piano, du sythné, des vents, des cloches. Il y a un solo (deux meme). Et oui, encore un, il a voulu faire plaisir! Il y en a dans pratiquement chaque morceau, et c'est toujours un régal. Le morceau se termine par un délicieux "I don't want to kiss your lips, 'till I get your hips."

°0° C'est une pièce maitresse de l'album qui suit, avec "Colonized Mind", ou Prince nous parle du téléchargement et la nouvelle forme de domestication qui lui est relative selon lui. Qu'on soit d'accord ou non avec son discours, force est de constater, mais ce n'est pas la premiere fois, qu'il sait autant écrire de vraies chansons que se trémousser sur des trucs pornos (mais ce temps est fini, et il l'a bien comprit, heureusement. Maintenant, il donne plutot dans le genre crooner, qu'il maitrise à merveille et d'une façon bien personnelle). La veine du morceau est clairement hendrixienne, tant dans la suite d'accords que dans les solos, qui sont absolument merveilleux et bien au delà de la stratosphère. Ce morceau dégage une intensité tout à fait rare pour toutes ces raisons, l'ensemble prend de l'ampleur au fur et à mesure jusqu'à la quasi-asphyxie qu'une dernière salve de guitare nous empeche d'atteindre. Il y a une lourdeur dans ce truc qui ferait palir bien des punks.

°0° Et, encore sans break, Prince se lance dans un funk typique de sa fabrication au titre évocateur et qui tranche par rapport au précédent : Feel Better, Feel Good, Feel Wonderful". Le principe de la gradation donc. Je dis qu'il est typique de Prince, et qu'il n'a rien a voir avec d'autres maitres du genre. Ce morceau est très dépouillé, ce qui est rarement le cas dans le Funk, un style rempli d'artifices souvent du meilleur gout, mais qui ont tendance a saturer les chansons, comme pour mieux reveiller le feu en nous (ce qui marche très souvent!). Ici, il n'y a pas de partie de basse, mais seulement un riff chromatique de guitare qui revient regulierement nous hanter, et quelques phrases plutot d'inspiration jazz groove. Vous l'avez déjà comprit, c'est la batterie pleine de conviction qui fait l'essentiel du travail, avec des arrangements de cuivres remarquables de placement et le chant convaincu de Prince, bien décidé a se sentir de mieux en mieux. Il est agressif et péchu, comme c'est nécessaire. Les gimmicks funk sont bien la : les claquements de main et chant un peu scat. Son invitation est charmante : "I mean no harm, I still got your back you can come and drink my wine, as a matter of fact". Ca vous branche?

°0° Le morceau d'après s'intitule Love Like Jazz. Bon, ce n'est pas trop le genre du forum vert, alors je passe rapidement la dessus, mais c'est une très belle composition, superbement arrangée. Après, il faut etre sensible au style, ce qui n'est pas le cas de tout le monde. Moi j'adore . En tout cas, y'a des solos de guitare bien sentis, là encore. La substance du message est ici de dire qu'il ne faut pas etre conventionnel en amour, et surtout en faisant l'amour. C'est ce que suggèrent les paroles, et les gémissements de la fille à la fin du morceau. "I want a lover that can improvise, I want a lover that can make me cry. " Prince fait donc référence au jazz entendue comme musique d'improvisation et de spontaneité communicative.

°0° Sitot après vient l'instrumental 77 Beverly Park , qui est un trip de guitare acoustique/mandoline, dans un style romantique kitch très typique de Prince. On n'y est sensible que si on admet de rentrer dans cet univers si particulier où le sexe, l'amour, Dieu et la critique de la société cotoient à peu près tous les genres musicaux (rien que ça). Si vous voulez, ce truc passerait aussi bien a un diner galant de Casanova que sur un film porno ou un documentaire animalier. Bon, j'arrete là... charmant en tout cas, vous l'aurez compris .

°0° Prince nous presente le mur de Berlin d'une façon que j'ai du mal a saisir. Ca commence dans un style que j'ai du mal a définir. Et comme tous ceux qui manquent de vocabulaire et de culture, je me bornerai à dire que ça commence "tranquille", mais avec, il faut le signaler, un sacrée ligne de basse. Puis, le groupe par dans un son dont le papa est sans doute possible Led Zeppelin, notamment dans Dazed and Confused. Il faut signaler que Prince semble etre fan du groupe, ayant reprit Whole Lotta Love sur scène il n'y a pas si longtemps. Là encore, il nous gratifie de solis de guitare à couper le souffle... Il y maitrise aussi bien les phrasés hendrixiens que les accents surfs, le floyd rose. Mais il n'y a pas de débauche technique. C'est juste d'une grande intensité et d'un sens rythmique hors du commun. C'est mon point de vue en tout cas. C'est certes très influencé par Hendrix, mais seulement par le jeu de guitare, et cela ne saurait résumer Prince.

°0° $. Une sucrerie très pop et franchement groove! Prince prend cette petite voix fluette mais pleine de testostérone qui lui est typique. Enfin, tout est relatif. Comme je l'ai lu sur un site, "masculin chez Prince, c'est féminin chez les routiers". C'est tout a fait vrai ! Prince a envie de nous faire bouger le cul, et ça marche plutot bien, car le groove est imparable. La fin du morceau comprend quelques arrangements cuivre dans un style latin que Prince affectionne beaucoup et qui pourrait prolonger la fete...

... °0° Mais le Nabot veut reveiller les morts avec Dreamer. La aussi, au niveau du jeu de guitare et du riff, c'est du grand classique. Prince fait un constat désabusé de l'évolution du monde, symbolisé par la mort de MLK. On parle encore de races, on va nous empoisonner etc. Je dors d'un oeil ouvert, moi le rêveur. Voila le message. Donc Prince est très énervé, et là encore, ce n'est pas sa guitare qui va le contredire...

** L'album se termine par Back from the Lotus, qui paraphrase la thématique du début, mais c'est beaucoup plus long, et ça part dans un bon délire bien rock, puis electro. Ce n'est pas la premiere fois que Prince présente au public genre de truc de martien. Moi j'aime bien, parce qu'il fait un gros fuck a toutes les maisons de disques qui refuseraient que ça sorte, vu que c'est du pur délire un peu dark. Plutot que de jouer du blues, il fait ça, c'est mon point de vue, très contestable.

=> On a donc dit de cet album que c'était déjà vu, conventionnel, entendu, que "ben Prince fait du Prince". Je regrette, mais je n'ai jamais rien entendu de tel que cet album, qui est un chef d'oeuvre de bout en bout. Rien ne ressemble à Lotusflow3r, meme si bien sur il y a de nombreux accents hendrixiens. Sauf que presque tout y passe, il est au sommet de sa forme, et il pret a botter le cul de n'importe qui. Sauf Louis, on l'aura comprit .

http://www.jogyjogy.com/watch.php?id=1bb11">Prince - Dreamer Live on TV