Alors, ça reprend après vingt minutes de pause. Et cette fois, c’est la surmultipliée. Illustrated man, I’m tore down et puis Change it avec cet incroyable et long solo de Marquilly, la guitare dans le dos et les yeux fermés ! Vient un petit set acoustique. Une longue intro qui sent bon l’Irlande, sa lande, ses gens tout à la fois rudes et chaleureux. Et on embraye sur Rêve d’Irlande justement. Suit le Dust my broom d’Elmore James, soyeux et grinçant à la fois. Le bottleneck est de la partie. Cinq minutes plus tard, c’est la Strato qui fait son retour : Sky is crying et son long solo sinueux, avec une section rythmique qui joue alors sur la pointe des pieds. Et pendant le solo, le signal lancé à nono : « Vas-y prépare-toi ! »
Le nono ne se le fait pas dire deux fois. Il branche sa Stato crème, règle son Twin Reverb, ses pédales d’effet. Et ça démarre avec un Johnny guitar de feu. Qui prend le premier solo ? Nono ! Un nono qui s’est installé placé côté gnacs. Peut-être pour y trouver un peu de boost. Il est concentré. Il a pas le sourire. Il est à fond dans le truc. Et il l’a fait pleurer sa six cordes... A tel point que Marquilly, qui assure alors la rythmique, le regarde, complice, et laisse le solo durer, durer, durer. L’intervention de nono est saluée par une salve d’applaudissements et des « nono ! nono ! nono ! » venus du public. Suivent Roll with me de Rick Derringer et Crossfire avec cet incloyable solo de basse de Sam Beaucourt, seul ou quasiment, avec juste un poil de drums derrière. Les deux guitaristes laissent faire. Puis c’est Thomas Gonzalez qui fait rouler le feu de ses fûts. Lui aussi est généreux. Le bougre joue, joue, joue.
Arrive le finale et on enchaîne illico presto sur LE grand moment de la soirée : Cocaïne. Le vieux morceau de J.J Cale repris par Clapton et, hier soir, tiré à deux guitares. Et j’envoie et tu réponds. Et j’en remets une couche. « Ah, tu le prends comme ça ! Et bien écoute ça ! » « Oh l’autre, même pas mal. Tiens, mets-toi ça dans le cornet en attendant… » Deux chiens fous, qui se coursent l’un l’autre. A un moment, nono sort l’arme atomique. Le rusé, il avait installé à son pied sa pédale Digitech Jimi Hendrix. Et oui, la même que Louis Bertignac ! Il appuie dessus sèchement et d’un coup, il balance un solo à la wha-wha qu’on dirait venu de Woodstock le dernier jour au matin, quand le grand Jimi faisait pleurer le ciel. Marquilly regarde nono, surpris dans le genre « Tu me fait quoi, là ? » Puis sourit. Ces deux-là prennent leur pied. Ils ne sont pas seuls ! L'hôtesse de l'air américaine est au septième ciel. Les tables ont bougé, les flashes crépitent de partout, chaque solo est salué par des bravos, des vivas. Douze minutes de plomb fondu et, d’un coup, c’est le riff de La Grange résonne. Et on remet ça. A fond les ballons.
Arrive enfin un Ne me retiens pas prémonitoire. C’est le dernier morceau. D’ailleurs, côté voisinage, ça commence à râler franchement. Il est temps de finir. Alors autant le faire en beauté. Ca sera le cas. Les lumières se rallument, les guitares se taisent. Chacun se lève, rigole, bavarde, se tape dans les mains. « C’est bien ! Ils était bien affûtés, les mecs… ! » Le temps d’une clope dehors avec les gnacs. Et un regret, un seul apparaît. Pourquoi Louis n’a pas de GPS ? Ou alors un GPS qui marche parce que le chemin hier, c’était pas celui de Monaco mais celui du XIXème arrondissement à Paris. A un jet de pierre de chez lui. « Hé, t’imagines : Christophe Marquilly d’un côté de la scène, Louis Bertignac de l’autre et nono au milieu. L’extase ! » Un autre soir peut-être… On se quitte : bisous, cailloux, choux, genoux… « Tu fais un compte-rendu sur le site de Louis ? » « Ouais, ouais, pas de problème. » « Et les photos ? T’inquiètes, on va se démerder » « Allez tchao. C’était chouette, hein ? » Ben oui, c’était chouette, mais court. Trois petites heures ! A+…
On rentre. Et puis, soudain, encore un regret. Pourquoi t’es pas venue Lorence ? Gap et ses montagnes alentour, c’est sûrement très bien. Pas de doute. Mais, tu sais, à Paris, on peut aussi grimper très haut parfois. Ce ne sont pas exactement les mêmes sommets d'accord, mais c’est pas mal non plus. Dis, la prochaine fois, tu viendras ? Tu promets ? Et Louis aussi ? Allez, bye...